Perte de biodiversité: les banques centrales sommées d’agir
- Déforestation, monoculture et surpêche sont autant de pratiques qui menacent la biodiversité et entraînent des risques financiers.
- Un nouveau rapport du WWF met en évidence ces liens et appellent les banques centrales et les superviseurs financiers à prendre de toute urgence en compte les risques financiers découlant de la perte de biodiversité.
- En Suisse, c’est à la Banque centrale et à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) d’intervenir. Le WWF établit ici une liste de recommandations à leur intention.
Citations:
Maud Abdelli, coordinatrice de l’Initiative «Greening Financial Regulation» du WWF
«Les banques centrales et les autorités de surveillance financière ont un rôle essentiel à jouer dans la transition vers un système financier plus durable et qui profite aux personnes, au climat et à la nature.»
«Si les risques liés au climat sont de plus en plus pris en compte, ceux liés à la perte de biodiversité comme la déforestation ou la surpêche sont encore largement ignorés. Il est urgent de remédier à ce manque.»
Chiara Colesanti, chercheuse au Council of Economic Policies
«Les banques centrales et les autorités de surveillance financière ont acquis une expertise importante pour commencer à inclure les risques liés au climat. Il est temps de tirer parti de cette expertise pour intensifier leur engagement et inclure d'autres dimensions environnementales dans leurs réglementations.»
Tout comme le dérèglement climatique, la perte de biodiversité entraîne des risques importants pour les acteurs financiers. C’est ce que montre le nouveau rapport du WWF intitulé «Nature's next stewards: Why central bankers need to take action on biodiversity risk».
Exemple avec la déforestation. Cause majeure non seulement des changements climatiques, mais aussi de la perte de biodiversité, la déforestation sape le capital naturel des pays concernés et affecte les économies et la stabilité financière des banques, assurances et caisses de pension directement ou indirectement impliquées dans le financement de produits forestiers. De même, la pression sur les ressources en eau peut entraîner de graves conséquences pour les économies et les entreprises qui en dépendent. En Inde, par exemple, près de 40% des crédits alloués par les banques indiennes le sont dans des secteurs où les risques liés à l’eau (pollution, inondation, sécheresse) sont importants.
Appel aux banques centrales
Dans son rapport, le WWF appelle les banques centrales du monde entier à reconnaître que la dégradation de l'environnement, y compris la perte de biodiversité, pose des risques importants pour le système financier. Il demande aux banques centrales d’évaluer l’impact de leurs réglementations et d’inciter les banques, assurances et caisses de pension à emboîter le pas pour assurer la transition vers une économie plus durable.
Le rapport rappelle également aux banques centrales et aux autorités de surveillance financière l’existence de fondements juridiques les obligeant à assumer leur responsabilité. On peut citer par exemple les standards internationaux relatifs au contrôle des banques ou des assurances, qui exigent des mesures préventives et d’intervenir avant l'apparition de nouveaux risques. Les banques centrales et superviseurs sont aussi tenus de respecter les objectifs environnementaux de leur gouvernement respectif.
La Banque nationale suisse et la Finma sommées d’agir
Plusieurs banques centrales ont déjà commencé à se pencher sur les risques financiers liés à la biodiversité et reconnaissent l'importance du sujet. A la BNS et à la Finma de faire de même. Sur la base des conclusions du rapport, le WWF Suisse les appelle donc à:
- partir du principe qu’à l’instar du dérèglement climatique, la dégradation de l'environnement, y compris la perte de biodiversité, pose des risques financiers dans leurs juridictions.
- prendre des mesures préventives pour atténuer les risques liés à la perte de biodiversité comme c’est déjà le cas pour les risques climatiques. Le cadre réglementaire actuel fournit les outils pour le faire, à travers la supervision des risques au niveau d’un secteur économique (micro-prudentielle) et à l’échelle régionale ou nationale (macro-prudentielle), ainsi que la politique monétaire. Les banques centrales devraient également prendre en compte ces risques dans leurs propres portefeuilles d’activité et promouvoir la recherche à ce sujet.
- agir en cohérence avec les objectifs environnementaux de la Suisse et plaider en faveur d'une réglementation financière internationale commune qui intègre les dimensions environnementales.
Contact:Pierrette Rey, porte-parole du WWF Suisse, Pierrette.rey@wwf.ch, 021 966 73 75
Informations complémentaires
Ce rapport du WWF a été rédigé en collaboration avec l’Institute for Climate Economics (I4CE), l’initiative Finance for Biodiversity (F4B), ECOFACT, Le Council of Economic Policies (CEP) et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il est publié aujourd'hui dans le cadre de l'initiative «Greening Financial Regulation» du WWF. L’objectif de cette initiative est d’aider les banques centrales, les régulateurs financiers et les superviseurs à renforcer la stabilité et la résilience du secteur financier pour faire face aux risques climatiques, environnementaux et sociaux, dans le but de réorienter les capitaux vers le financement d’une économie durable. Le rapport est disponible ici.