Rapport du WWF : la place financière suisse perd du terrain
Les résultats du rapport SUSREG du WWF montrent que malgré les premiers progrès réalisés dans la transition vers une économie zéro carbone et respectueuse du climat, les banques centrales et les autorités de surveillance des marchés financiers en font bien moins que ce qui serait dans leurs cordes et, surtout, nécessaire. Pour la première fois, outre les banques centrales et les autorités de surveillance, le rapport porte aussi sur le secteur des assurances. En comparaison internationale, la Suisse perd du terrain.
- Le rapport souligne les principaux résultats de l’évaluation SUSREG 2022 qui analyse les facteurs de durabilité dans la surveillance des marchés financiers et les activités des banques centrales de 44 pays.
- Ensemble, les pays examinés produisent plus de 88% du PIB mondial et sont responsables de 72% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Parmi eux se trouvent aussi 11 des 17 pays présentant la plus grande biodiversité de la planète.
- Le problème est qu’aujourd’hui encore, des sommes importantes sont investies dans les activités les plus nuisibles au climat et les plus risquées financièrement telles que la déforestation, l’exploitation et l’extraction de combustibles fossiles ainsi que l’exploitation minière destructrice. Ces flux financiers aggravent encore la perte de biodiversité et les changements climatiques.
- Le rapport du WWF montre que ni la FINMA ni la BNS ne définissent de cadre réglementaire efficace permettant au marché financier suisse de progresser dans ce dossier.
Citation de Maud Abdelli, experte en finance durable au WWF Suisse :
"L'accord de Kunming-Montréal, qui vient d'être signé, engage le monde à stopper la perte de biodiversité d'ici 2030. Nous avons donc également besoin de mesures internationales coordonnées de la part des banques centrales, des autorités de surveillance et de régulation. Par son rôle de fournisseur de capitaux, de crédits et d'assurances pour l'économie réelle, le système financier joue un rôle crucial dans la transition vers une économie à faible émission de carbone et respectueuse de l'environnement".
Le secteur des assurances sous la loupe
Le rapport de cette année montre que malgré les progrès de certains pays, qui font œuvre de pionniers, il y a encore de trop nombreuses lacunes qui ralentissent la transition vers une économie zéro émission. L’évaluation porte sur le travail des banques centrales et des autorités de surveillance des marchés financiers en la matière : pour la première fois, elle inclut également le secteur des assurances. Gérant une fortune de 30 milliards de dollars et un volume de primes mondial de 5 milliards de dollars, ce secteur détient près d’un tiers des actifs et passifs économiques mondiaux dans ses bilans, ce qui lui donne une importance considérable.
Etant donné que la perte de milieux naturels représente, comme les changements climatiques, une menace conséquente, la situation doit être perçue comme une double crise financière. 88% des pays édictent des prescriptions bancaires et formulent des attentes à l’intention de leurs autorités de surveillance qui, dans les deux cas, tiennent compte des risques climatiques. Ce chiffre est seulement de 79% dans le cas des régulations imposées aux assureurs. De plus en plus, les réflexions climatiques doivent être intégrées aux stratégies des instituts financiers. En effet, les risques environnementaux de grande ampleur tels les dégâts naturels, sont rarement pris en considération. La demande concernant l’information obligatoire sur les risques résultant des conséquences des changements climatiques et la transition vers une économie émettant peu de carbone se fait de plus en plus pressante. 83% des pays exigent que les banques publient des données relatives au climat. Pour réaliser les changements dans l’ampleur et au rythme nécessaires, de simples mesures et des rapports transparents ne suffisent toutefois pas.
La Suisse doit rattraper son retard
Le Conseil fédéral a décidé que la Suisse devait devenir une pionnière dans le domaine de la finance durable («sustainable finance»). Le test climatique récemment publié par l’Office fédéral de l’environnement montre que malgré les progrès, la tendance générale reste insuffisante. Les banques et les assurances suisses continuent d’aggraver les changements climatiques et la perte de biodiversité. Les acteurs du secteur financier suisse ont besoin d’un cadre réglementaire clair, qui crée des incitations favorables au développement durable et qui rend moins intéressants les investissements non durables. En Suisse, ce sont la BNS et la FINMA qui définissent les règles du jeu que les banques et les assurances se doivent de respecter. Le rapport du WWF montre que, contrairement à d’autres banques centrales et autorités de surveillance, ces deux organismes n’en font pas assez dans ce domaine. En comparaison internationale, la Suisse perd même du terrain. Ce retard accroît les risques financiers liés au climat et à la biodiversité et, ce faisant, la stabilité des prix et de la place financière en Suisse.
Pas le temps de trouver des excuses
Le WWF demande aux banques centrales, aux autorités de surveillance et aux assureurs de mettre en œuvre des plans de transition crédibles et ambitieux pour accélérer les choses dans la protection du climat et pour que cessent les pertes dans le domaine de la biodiversité. Ces plans de transition doivent guider et orienter les acteurs des marchés financiers et contenir des objectifs quantifiables et légalement contraignants en matière de climat et de biodiversité pour 2025, 2030 et 2050.
Le conseil fédéral estime par ailleurs qu’il est urgent que la politique monétaire reflète mieux les coûts économiques et le risque financier des activités économiques, entreprises et secteurs qui sont « toujours nocifs pour le climat ». Ces valeurs patrimoniales représentent en effet les plus grands risques dans le domaine financier. Les instituts financiers qui octroient des crédits aux entreprises impliquées dans des activités qui portent atteinte au climat doivent être obligés de répondre à des exigences nettement plus élevées en ce qui concerne le capital. Il s’agit, par cette mesure, de mieux prendre en compte les risques existants.
Lien vers le rapport SUSREG 2022: https://wwfint.awsassets.panda.org/downloads/wwf_susreg22_ar.pdf
Résumé: https://wwfint.awsassets.panda.org/downloads/wwf_susreg22_es.pdf
Contact: Cédric Jacot-Guillarmod, porte-parole du WWF Suisse, cedric.jacot-guillarmod@wwf.ch, 079 445 87 79
Evaluation SUSREG du WWF
Le WWF a lancé l’évaluation SUSREG (Sustainable Financial Regulations and Central Bank Activities) en 2021 pour être en mesure d’apprécier comment les risques environnementaux et sociaux étaient intégrés aux pratiques de régulation et de surveillance ainsi qu’aux activités des banques centrales et aux autres activités financières. L’objectif de l’évaluation est d’aider les banques centrales et les autorités de surveillance des marchés financiers à comparer leurs politiques avec les nouvelles pratiques qui font leurs preuves au niveau régional et mondial, ceci afin de diriger les flux financiers vers des pratiques durables et pour éviter que l’octroi de crédits, les souscriptions et les investissements profitent à des entreprises et à des secteurs qui ne respectent pas le climat. Il s'agit, en fin de compte, de soutenir l’émergence d’une économie n’émettant plus de carbone.
L’évaluation est publiée chaque année et le rapport annuel correspondant est disponible ici. Cette année, l’évaluation porte sur le travail des banques centrales et des autorités de surveillance des banques et des assurances dans 44 pays. Les résultats des différents pays examinés seront disponibles en février 2023 sur une nouvelle plateforme en ligne baptisée SUSREG Tracker. L’accent sera en premier lieu placé sur la surveillance des banques. Cependant, le cadre SUSREG sera progressivement étendu à d’autres domaines importants du système financier, tels que les marchés des capitaux et la gestion de fortune.https://www.susreg.org/
Greening Financial Regulation Initiative (GFRI)
La Greening Financial Regulation Initiative du WWF a pour but de placer les risques climatiques et financiers au centre du système financier. Avec cette initiative, le WWF veut démontrer le lien entre les risques financiers et les risques environnementaux tels que les changements climatiques, le manque d’eau et le recul de la diversité biologique. Ce faisant, il entend attirer l’attention des décideuses et décideurs politiques, des banques centrales et des autorités de surveillance des marchés financiers sur la nécessité d’intégrer ces risques dans leurs mandats et activités. Le WWF met à disposition des instruments nécessaires, des études scientifiques, des évaluations et des auxiliaires afin de renforcer les ambitions conformément à l’agenda politique mondial pour la finance durable. www.panda.org/gfr