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Frau in Feld, Nepal

Mises à jour sur le devoir de diligence en matière de droits humains

L’hiver 2020, le WWF a publié le rapport «Embedding Human Rights in Nature Conservation – From Intent to Action» de la commission indépendante dirigée par l’ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay. Dans celui-ci, la commission Pillay a évalué l’approche du WWF en matière de droits humains et a formulé des recommandations dans 10 champs thématiques. Le WWF a repris ces recommandations et s’est attelé à les mettre en œuvre. Nous accordons une très grande importance à informer, de manière transparente, sur l’avancement des travaux à ce sujet. C’est la raison pour laquelle nous communiquons à intervalles réguliers sur l’état de ceux-ci:

Mars 2023: deuxième actualisation annuelle au sujet des droits humains et de la protection de la nature

Le 14 février 2023, le WWF International a publié son rapport «Human Rights and The Environment Report 2022, Embedding Human Rights in Nature Conservation: From Intent to Action». Il s’agit de la deuxième actualisation annuelle relative à la mise en œuvre des recommandations formulées par un panel d’experts indépendants.

En 2019, le WWF International avait en effet mandaté une commission indépendante présidée par la juge Navanethem Pillay, ancienne Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, afin d’enquêter en détail sur les violations présumées des droits humains dans le cadre de projets du WWF menés en Asie et en Afrique. Le rapport d’enquête de la commission a été publié en novembre 2020. Dans ce document, la commission identifie des lacunes dans les projets du WWF en matière de diligence raisonnable dans le domaine des droits de l'homme et émet entre autres toute une série de recommandations sur la manière dont le WWF peut améliorer les déficits identifiés.

La deuxième actualisation annuelle du rapport dresse une vue d’ensemble sur la manière dont le WWF intègre et promeut les droits de l’homme dans son travail. L’objectif est d’obtenir un impact efficace et durable dans le domaine de la protection de la nature et du développement, et de permettre aux communautés locales et indigènes d’exercer leurs droits à l’autodétermination et à disposer de leurs terres.

Fin mars, le WWF Suisse a également publié son propre rapport sur les droits humains 2022. Ce dernier complète le rapport sur l’état d’avancement du WWF International mentionné ci-dessus. Nous revenons ci-dessous plus en détail sur certains des aspects abordés.

Notre collaboration avec les communautés indigènes et locales

Près de 80% de la biodiversité terrestre restante se trouve dans des régions où vivent des peuples indigènes et des communautés locales.

Nous considérons qu’il est de notre devoir de veiller à ce que ces personnes – et plus particulièrement les groupes vulnérables et marginalisés – disposent d’une voix forte pour faire respecter leurs droits et pour agir comme acteurs de premier plan dans les projets environnementaux. Pour ce faire, les peuples indigènes et les communautés locales sont activement impliqués dans nos projets de protection de l’environnement, depuis la planification à la mise en œuvre, en passant par le suivi et l’évaluation.

De plus, nous nous assurons que le principe du consentement libre, préalable et éclairé (CLPE) est respecté dès que les peuples indigènes sont directement ou indirectement concernés par nos projets environnementaux. Aux Philippines, nous avons par exemple obtenu le consentement de 190 représentant·e·s des communautés indigènes en vue de la réalisation d’un projet de protection marine. Le projet leur a d’abord été présenté lors d’une conférence sur deux jours. Les représentant·e·s ont ensuite discuté ensemble du projet avant de donner leur consentement par écrit. Allan Magdamit, représentant d’une communauté indigène, a déclaré à ce sujet: «Nous sommes très reconnaissants de la priorité donnée à nos besoins et à nos préoccupations. Vous nous avez placés au centre du projet. Nous ne nous sommes jamais sentis victimes d'aucune forme de discrimination.» Les zones dans lesquelles nous travaillons sont souvent très vastes et un échange régulier avec les communautés indigènes et locales demande beaucoup de savoir-faire, de ressources et de temps, ce qui nous place face à des défis de toutes sortes.

Collaboration avec les éco-gardes

Environ 280 000 éco-gardes sont responsables de la protection de la nature dans de nombreux pays du monde. Il s’agit d’un travail en première ligne qu’ils effectuent aussi grâce au soutien financier, technique et matériel du WWF. Nous enjoignons les éco-gardes avec lesquels nous coopérons à respecter les droits humains. Pour cela, nous veillons à ce que les droits humains soient intégrés à la formation des éco-gardes que nous soutenons et à ce que des mécanismes de contrôle du respect des droits humains ainsi que des mécanismes de plainte fonctionnels soient accessibles à tous les groupes de population.

Le WWF encourage en outre le dialogue entre les administrations des zones protégées, les éco-gardes et les populations locales, afin d’une part de susciter une compréhension envers les différentes réalités de vie et de travail, et d’autre part de renforcer la confiance mutuelle. Dans des pays où des éco-gardes ont commis des violations des droits humains, l’établissement de relations de confiance au travers du dialogue est une entreprise difficile, où les progrès sont très lents.

Compétences relatives aux droits humains

Ce n’est qu’avec une attitude appropriée et les compétences nécessaires – au sein de la direction du réseau mondial du WWF, dans les bureaux nationaux du WWF et chez les partenaires de projets locaux – que nous pourrons effectivement mettre en œuvre de manière conséquente le devoir de diligence en matière de droits humains.

Au sein de l’ensemble de son réseau, le WWF Suisse met l’accent sur le développement de ces compétences. Dans ce but, nous avons par exemple développé une formation de plusieurs jours sur le thème de la «Diligence en matière de droits humains dans les projets de protection de la nature» et nous soutenons désormais le WWF dans la mise en place d’un pool de formateurs et formatrices locaux dans toutes les régions de projets. Cette année, les formations que nous avons développées pour les membres de la direction et les partenaires des projets seront finalisées et déployées dans les premiers bureaux.

Dans certains bureaux nationaux du WWF, recruter et garder du personnel compétent constitue un défi. En raison de la fluctuation parfois importante des effectifs, beaucoup de savoir et d’expertise accumulés au fil du temps se perdent. Nous essayons de remédier à ce problème avec les formations mentionnées ci-dessus et d’ancrer ainsi plus largement le savoir dans les bureaux concernés. Dans certains pays, nous soutenons aussi financièrement la création de postes dédiés à la promotion des droits humains.

Coopération avec les autorités étatiques

Dans certains pays où se déroulent nos projets, nous collaborons de différentes manières avec les autorités. Cette collaboration est particulièrement exigeante pour le WWF dans les États qui présentent des déficits en matière de contrôle de leur monopole de la violence, de respect des droits de l'homme et de l'État de droit.

Dans nos accords avec les gouvernements locaux, nous incluons des clauses relatives aux droits de l’homme ainsi que des éléments clés de nos mesures de protection sociale et écologique. Dans certains pays, les autorités étatiques ne remplissent toutefois pas leurs obligations, et ce malgré les accords conclus conjointement et les responsabilités étatiques définies contractuellement. Dans ces cas, il n'est parfois pas simple pour le WWF de définir des mesures appropriées pour accroître la pression sur les gouvernements locaux afin qu’ils respectent les droits de l’homme.

Novembre 2021: Intégration des droits humains dans la protection de l’environnement – nos progrès

Le 24 novembre 2020, le WWF a publié un rapport relatif à l’enquête sur les allégations de violations des droits humains en Afrique et en Asie, et le rôle joué par le WWF dans ce contexte. En avril 2019, le WWF avait chargé une commission indépendante d'enquêter et de faire la lumière sur cette affaire. Le respect des droits humains constitue la base de tous les projets de protection de la nature au WWF et doit être pris en compte comme un principe inaliénable dans la mise en œuvre de toutes les mesures.

Nous étions et sommes toujours déterminés à respecter nos propres engagements envers les communautés avec lesquelles nous travaillons. Lorsque nous avons eu connaissance de signalements d’abus, nous avons pris des mesures concrètes sur le terrain. Néanmoins, nous voulions une évaluation claire et indépendante de nos efforts afin d'en tirer des leçons et continuer à nous améliorer. C'est pour cette raison que le WWF International avait commandé l'enquête indépendante dirigée par la juge Navi Pillay, afin de procéder à un examen systématique de nos pratiques. Toutes les informations peuvent être consultées ici.

Le rapport, publié le 24 novembre 2020, a notamment confirmé qu'aucun cas de violation des droits humains n'avait été commis par le personnel du WWF. Il a également confirmé que les collaborateurs du WWF n'ont pas ordonné, participé à ou encouragé des violations des droits humains.

Dans son rapport d'enquête, la commission a présenté une série de recommandations sur la manière de mieux intégrer les droits humains dans le cadre du travail de protection de la nature. Le WWF a repris toutes les recommandations de la commission. Les thématiques des recommandations de la commission allaient de l'implémentation obligatoire du devoir de diligence en matière de droits humains dans la collaboration avec les institutions étatiques, avec les donateurs ou avec d'autres partenaires, à la mise en place de mécanismes de plainte efficaces et l'établissement de rapports réguliers sur la situation des droits humains dans les zones de projet en passant par un meilleur financement du travail en faveur des droits de l'homme.

Mise en œuvre des recommandations

Le WWF s'est attelé à la mise en œuvre des recommandations sans tarder et a promis de rendre compte régulièrement de l'état d'avancement de ce travail.

Comme indiqué dans la réponse de la direction, nous avons pris en compte l'ensemble des 79 recommandations du rapport et avons élaboré un plan d'action sur trois ans à l'attention des 100 bureaux du WWF. Sur cette base, le WWF Suisse a développé son propre plan d'action (les informations relatives à octobre 2021 se trouvent ci-dessous) et évalue en permanence sa mise en œuvre. Le comité de pilotage du plan d'action, chargé de superviser les progrès dans l'ensemble de notre réseau, rend compte directement et régulièrement à la direction du WWF International (NET) et au Conseil de fondation du WWF International. Le WWF informe régulièrement et de manière transparente sur les progrès réalisés, mais aussi sur les défis rencontrés lors de la mise en œuvre. Un audit indépendant sera effectué au bout de trois ans.

Après un an, le temps est venu de dresser un bilan intermédiaire: dans certains pays, nous avons effectué des progrès significatifs, dans d'autres, nous n'en avons pas fait assez. Nous sommes conscients que la mise en œuvre de toutes les recommandations de la commission prendra du temps. Même si nous n'en sommes qu'au début de notre tâche, nous sommes déterminés à respecter nos obligations en matière de droits humains partout où nous sommes présents.

Le rapport complet en anglais se trouve ici. Nous abordons certains aspects ci-dessous.

Nous avons effectué des progrès dans les régions examinées par la commission indépendante

  • En République centrafricaine, nous continuons à mettre en œuvre nos lignes directrices et nos mesures de protection et nous nous assurons que les formations des écogardes incluent les droits humains. Nous continuons également à soutenir le Centre des droits humains: qu'il s'agisse du droit de vote, de la liberté de mouvement ou de l'accès aux services publics, les obstacles à l'exercice de leurs droits civiques sont souvent élevés pour les indigènes. La participation politique est quasi inexistante et le taux d'analphabétisme élevé. Afin de sensibiliser la population aux droits de l'homme et aux droits des minorités dans la région, le WWF a soutenu, en 2015, des organisations locales dans la mise en place d'un centre des droits humains à Bayanga. La population locale, en particulier les indigènes, y reçoit une aide juridique et un soutien pour la résolution des conflits.
  • Au Cameroun, nous nous engageons pour la mise en œuvre complète de l'accord gouvernemental de 2019, qui permet au peuple Baka d'accéder aux parcs nationaux du Sud-Est du Cameroun. Nous continuons à travailler avec les partenaires locaux actifs sur le front des droits humains et les groupes de peuples indigènes pour renforcer les mécanismes de plainte existants dans la région.
  • En République démocratique du Congo, nous avons conclu un nouvel accord de partenariat avec le gouvernement pour le parc national de la Salonga (les informations relatives à novembre 2021 se trouvent ci-dessous), afin de placer les droits humains au cœur de la conservation communautaire. Entre autres efforts, un nouveau mécanisme de plainte sera mis en place pour soutenir les communautés locales et sera géré par une organisation externe. Ce mécanisme de plainte sert à prévenir et à combattre les violations des droits humains et aide les personnes concernées à signaler ces cas. En outre, les écogardes sont formés pour s'assurer que les droits humains sont pleinement respectés dans la lutte contre le braconnage.
  • En République du Congo, nous continuons à travailler à l'amélioration du mécanisme de plainte déjà mis en place pour les Baka et les communautés locales, dans le cadre d'une approche inclusive de la conservation. Nous nous engageons en outre à ce que le gouvernement prenne mieux en compte les droits humains et les droits coutumiers dans l'application des lois.
  • Au Népal, nous avons motivé le gouvernement à agir lorsque des violations des droits humains ont été signalées, même si elles avaient lieu en dehors des zones de travail du WWF.
  • En Inde, nous travaillons à l’intégration de la formation aux droits humains dans le programme de formation des écogardes.

Nous avons également accompli des progrès au niveau mondial

  • Nous avons défini des normes et valeurs fondamentales et continué à travailler sur les aspects de l'assurance qualité et de la conformité dans le cadre des comités de surveillance mondiaux du WWF.
  • Nous avons continué à mener une vaste consultation et à recueillir des avis publics sur les mesures de protection sociale et environnementale et sur les politiques sociales. Nous sommes maintenant en train de réviser les lignes directrices et mesures de protection pour tenir compte de ces retours.
  • Nous avons nommé une médiatrice (les informations relatives à juin 2021 se trouvent ci-dessous) afin de recevoir directement les plaintes des communautés et de mieux assumer nos responsabilités en la matière (suivi, médiation en cas de conflit, traitement des cas crédibles).
  • Nous informons les gouvernements de nos engagements et veillons à inclure des clauses relatives aux droits humains dans les nouveaux accords et contrats. Par exemple, la République démocratique du Congo (RDC) et le WWF ont signé un accord de partenariat pour promouvoir une conservation inclusive et basée sur la communauté dans le parc national de la Salonga.
  • Nous avons établi un code de conduite pour les écogardes avec la Universal Ranger Support Alliance (URSA), en collaboration avec divers collèges de gardes-faune pour former ces derniers aux droits humains.

Nous sommes également confrontés à de nombreux défis alors que nous travaillons à la mise en œuvre de notre plan d'action

Nous sommes conscients que nous devrons relever de nombreux défis lors de la mise en œuvre de notre plan d'action - c'est la seule façon de garantir que nous passerons de stratégies sur le papier à des actions concrètes sur le terrain. Nous voulons que ces actions apportent un réel bénéfice aux communautés locales avec lesquelles nous travaillons. Certains de ces défis sont liés aux contextes sociaux et politiques dans lesquels nous travaillons. D'autres défis consistent à assurer la sécurité des collaborateurs dans certains endroits où les droits humains sont peu respectés Enfin, comme pour de nombreuses organisations, le coronavirus a été un véritable défi en termes de mise en œuvre pratique de certaines de nos actions sur le terrain.

L'un des facteurs les plus importants pour atteindre notre vision - un monde où les humains et la nature peuvent s’épanouir - est d'être à l'écoute des critiques, aussi sévères soient-elles. Pour ce faire, nous utilisons différents moyens, comme le contact direct avec les communautés locales et les décideurs. Nous effectuons des contrôles et nous nous laissons contrôler. Nous procédons à des échanges critiques avec des spécialistes des droits humains. Ces retours d'information et ces dialogues nous ouvrent de nouvelles perspectives et nous permettent ainsi de savoir quelles mesures nous pouvons prendre pour apporter des changements tangibles sur le terrain.

Nous sommes reconnaissants à tous ceux qui nous ont soutenus dans cet important travail, que ce soit par des instructions, des conseils, des éloges ou des critiques.

Kinshasa, le 19 novembre 2021: La République démocratique du Congo (RDC) et le WWF signent un accord de partenariat pour promouvoir une conservation inclusive et basée sur la communauté dans le parc national de la Salonga

  • L’accord entre en vigueur avec effet immédiat. Il lie l’ICCN (Institut Congolais pour la Conservation de la Nature) et le WWF dans un effort de promotion du développement de la communauté par des activités de conservation. Celles-ci impliquent aussi de travailler avec des organisations de défense des droits humains à titre de partenaires, afin d’intégrer des approches basées sur ces mêmes droits.
  • L’ICCN doit permettre à Chengeta Wildlife, une organisation spécialisée dans l’application de la loi, à œuvrer dans le domaine de la formation et de la professionnalisation des écogardes du gouvernement, en plaçant l’accent sur les droits de l’homme et les relations communautaires.
  • Dans le cadre de ce nouvel accord, les deux parties ont cherché à répondre aux engagements pris par la direction du WWF en réponse au rapport d’enquête de la commission indépendante. Il vise à renforcer l’engagement conjoint et les contributions à des approches de conservation plus inclusives et durables dans le plus grand parc national forestier d’Afrique. Toute allégation de violation des droits humains sera fermement condamnée et poursuivie.

L’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) de la République démocratique du Congo et l’antenne du WWF dans ce pays sont fiers d’annoncer la signature d’un nouvel accord de partenariat portant sur le parc national de la Salonga. L’accord place fermement les droits humains au centre du travail de protection, afin de favoriser une conservation inclusive et centrée sur la communauté.

S’étendant sur plus de 63'500 km2, le parc de la Salonga et sa périphérie abritent une population locale et indigène de près de 900 000 personnes, dont plus de 280 000 résident aux abords immédiats du parc. Bien que la population soit essentiellement composée de sous-groupes de Mongo (Bantous), il existe des communautés éparses de la population indigène Batwa. Les communautés de toute la région pratiquent l’agriculture, la chasse, la pêche, la cueillette, ainsi que l’exploitation de produits forestiers non ligneux et de plantes médicinales pour survivre, de sorte qu’elles dépendent fortement de la nature.

Connue pour être un haut lieu de la biodiversité, la Salonga est un biotope critique pour les bonobos (dont la population congolaise représente environ 40% des effectifs restants dans le monde), l’éléphant de forêt, le paon du Congo et d’autres espèces menacées. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1984, le parc a été ajouté à la liste des sites en danger en 1999, essentiellement en raison du braconnage des éléphants largement répandu et des forages pétroliers potentiels. Il n’a été retiré de la liste qu’en juillet de cette année en reconnaissance des efforts entrepris par la RDC et sa population pour préserver le site.

Compte tenu du fait que les habitants de la région sont confrontés à des difficultés socio-économiques généralisées et à un accès limité aux services, aux marchés ou aux capitaux pour améliorer leurs moyens de subsistance, la gestion communautaire durable des ressources naturelles pourrait répondre à de nombreux besoins locaux. Le nouvel accord de partenariat lie l’ICCN et le WWF afin d’assurer la promotion du développement des communautés par le biais des activités de conservation. Il accepte explicitement d’engager une organisation de défense des droits humains, qui travaillera en tant que partenaire pour intégrer les approches basées sur les droits, un rôle qui est assumé par l’ONG locale Jurec (Juristes pour l’Environnement au Congo), connue pour son travail sur l’approche basée sur les droits dans le secteur de l’environnement en RDC.

L’ICCN et le WWF travailleront à renforcer les 350 comités locaux de développement (LDC, pour local development committees) qui bénéficient déjà d’un soutien, et à intensifier les pratiques agricoles durables à titre d’alternative à la déforestation et aux brûlis, mais aussi à faciliter l’accès au marché, à soutenir l’extension et à mettre en place des banques de graines et des pépinières. Cette démarche s’appuie sur les efforts entrepris depuis 2003, notamment en partenariat avec ISCO, OXFAM (depuis 2017) et d’autres.

A ce jour, les communautés ont été aidées afin d’obtenir six concessions forestières communautaires (plus de 170 000 ha). Plus de 14 000 agriculteurs ont été formés à l’agriculture durable, plus de 180 fermes modèles ont été créées, un centre de traitement et de commerce du café a été inauguré, environ 300 pêcheurs ont été soutenus et diverses infrastructures ont été construites ou entretenues, notamment 185 km de routes, 78 ponts, des centres de santé et des écoles, des installations de stockage des produits agricoles, des moulins à grains, des presses à huile, des fours à fumer le poisson et des décortiqueuses de riz.

En 2020, l’ICCN a mis en place une nouvelle direction des droits humains dans son quartier général de Kinshasa. Il est convenu que toutes les activités conjointes avec le WWF dans le parc national de la Salonga seront entreprises sur la base des garanties environnementales et sociales du WWF. L’accord comprend l’interdiction de la relocalisation involontaire, l’établissement d’un protocole pour la remontée des incidents, la mise en place d’un mécanisme efficace de suivi et d’évaluation et d’un mécanisme performant de règlement des plaintes.

Ces mesures vont de pair avec la responsabilité de l’ICCN, qui est de garantir des activités anti-braconnage efficaces et sûres qui respectent pleinement les droits humains. Le nouvel accord prévoit que l’ICCN permettra à Chengeta Wildlife, une organisation spécialisée dans l’application de la loi, à œuvrer dans le domaine de la formation et de la professionnalisation des écogardes du gouvernement, en plaçant l’accent sur les droits de l’homme et les relations communautaires. Le mécanisme de règlement des plaintes en lien avec le paysage (en cours d’établissement) contribuera à garantir que toute plainte déposée sera traitée avec les plus hauts standards d’objectivité et d’engagement, tout en préservant les intérêts de toutes les parties prenantes. Une plainte liée aux projets du WWF pourra aussi être soumise à un médiateur indépendant désigné par le WWF pour l’ensemble de son réseau, une première dans le secteur de la protection de la nature.

Nos efforts à la Salonga reposent sur une collaboration et un engagement continus entre toutes les parties prenantes afin de garantir que les droits et les avantages des communautés sont au cœur des activités de conservation, et que toute violation des droits humains est fermement condamnée et traitée. Cette approche doit ancrer le modèle de fondation proposé par les parties prenantes pour le parc national de la Salonga, transition que le nouvel accord doit soutenir. Cette fondation sera chargée de gérer le parc au nom de l’ICCN et les autres partenaires contribueront à résoudre les questions relevant de leur domaine d’expertise.

Une récente évaluation du suivi de la biodiversité a confirmé que les populations d’éléphants et de bonobos étaient relativement stables, avec 1600 éléphants de forêt et 15 000 bonobos. Il est donc essentiel de veiller à ce que la conservation ait également un impact positif sur les habitants de la Salonga, qui en sont les gardiens traditionnels et qui dépendent le plus de sa biodiversité. Nous sommes impatients de poursuivre notre travail avec nos partenaires et les communautés de la Salonga, et de nous engager de manière constructive à leurs côtés pour promouvoir une conservation basée sur les droits dans le plus grand parc national forestier d’Afrique.
 
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* Le nouvel accord de partenariat entre l’ICCN et le WWF a pour but de concrétiser l’engagement pris par le WWF dans le cadre de la réponse de sa direction à l’enquête indépendante, une priorité pour les deux parties. Il repose sur les deux piliers majeurs suivants:

  1. Engagement conjoint des parties à mettre en place un partenariat avec une organisation des droits humains pour travailler avec l’ICCN, le WWF et d’autres partenaires afin d’intégrer des approches basées sur les droits.
  2. Promotion du développement des communautés.
  3. Soutien efficace et sûr aux activités de lutte contre le braconnage tout en respectant pleinement les droits humains.
  4. Partenariat avec un conseiller en application de la loi pour professionnaliser les activités de lutte contre le braconnage.
  5. Activités entreprises sur la base du Cadre de sauvegardes environnementales et sociales du WWF (ESSF).
  6. Pas de délocalisation involontaire.
  7. Mise en place de structures de gouvernance participatives.
  8. Etablissement d’un protocole pour l’escalade des incidents.
  9. Mise en place d’un mécanisme efficace de suivi et d’évaluation.
  10. Mise en place d’un mécanisme efficace de règlement des plaintes.

 
Un résumé de l’accord est disponible ici.

Octobre 2021: Le WWF surveille et communique sur la mise en œuvre des mesures.

Pour le WWF, la protection de la nature et les droits humains sont au cœur du développement durable. Au cours des deux dernières années, nous avons élaboré et mis en œuvre des mesures visant à intégrer les droits humains de manière plus conséquente dans notre travail de conservation. Nous nous engageons à apprendre et à nous améliorer en permanence. Nous avons élaboré un plan d'action triennal afin d'assurer un suivi complet et transparent, de rendre des comptes et, si nécessaire, d'adapter les mesures prises. Cela nous permet de mettre en œuvre nos réponses aux recommandations de la Commission indépendante et de nous assurer que nous respectons nos engagements en matière de droits humains, de politiques sociales et de mesures de protection.

Septembre 2021: Le WWF se dote, avec Gina Barbieri, de la première médiatrice dans le domaine de la protection de la nature

Le WWF a désormais une médiatrice attitrée en la personne de Gina Barbieri, avocate réputée, spécialisée dans la défense des droits humains à l’échelle internationale. C’est la première fois qu’une fonction de ce genre est créée dans le domaine de la protection de la nature. Originaire d’Afrique du Sud, Gina Barbieri peut faire valoir des décennies d’expérience dans la résolution de conflits environnementaux et sociaux. Jusqu’à récemment, elle exerçait une mission similaire pour la Banque mondiale et pour des institutions financières apparentées.

Gina Barbieri rapporte directement au président du Conseil de fondation du WWF International. Que ce soit dans son travail ou dans l’élaboration de ses rapports, elle n’a aucun lien de dépendance avec la direction du WWF International ou les organisations nationales du WWF. La médiatrice définit les critères pour les différents types de plaintes qui peuvent lui être transmises.

Cette information a été publiée ici sur le site du WWF International (en anglais).

Juin 2021: Consultation publique sur les directives sociales ainsi que sur le cadre de référence écologique et social (ESSF)

Cela fait maintenant 60 ans que le WWF travaille aux côtés des populations et des communautés pour protéger et préserver la nature. Selon nous, des écosystèmes sains sont étroitement liés à la vie, à la subsistance et au bien-être des individus. Le respect et la promotion des droits des personnes et l’étroite collaboration avec les communautés locales sont les conditions nécessaires pour que la protection de l’environnement soit efficace. Nous sommes conscients de nos limites en tant qu’organisation de protection de la nature et essayons sans cesse d’améliorer notre façon de travailler afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Nos directives en matière de normes sociales et notre cadre de référence écologique et social y contribuent.

Nous invitons maintenant l’opinion publique, les organisations, les partenaires, les entreprises et les institutions à participer à la consultation de nos directives sociales révisées, ainsi que de notre cadre de référence écologique et social retravaillé. Cette consultation publique se déroule sur le portail en ligne consultation.panda.org et vise à définir plus précisément les projets de textes suivants:

  • nouvelle déclaration du WWF relative aux droits humains (Policy Statement on Human Rights)
  • déclaration révisée sur l’égalité entre les genres (Policy Statement on Gender Equality)
  • déclaration révisée relative aux peuples indigènes et à la protection de la nature (Policy Statement on Indigenous Peoples and Conservation)
  • cadre de référence écologique et social (Environmental & Social Safeguards)

A ce portail en ligne, à disposition jusqu’à fin juin, viennent s’ajouter les dialogues ou ateliers organisés sur place par les équipes du WWF pour les parties prenantes (par ex. des organisations de défense des droits humains). Les retours de tous les participants sont soigneusement étudiés. En cours d’année, la version retravaillée fera l’objet d’une communication publique.

Juin 2021: Le WWF apporte son soutien sur le terrain, par exemple dans le parc national de Ntokou Pikounda, en République du Congo

Sur la base des recommandations de la commission Pillay, le WWF Suisse renforce également la formation continue ciblée des collaborateurs engagés dans ses projets sur le terrain, dans le domaine des droits humains. De plus, il soutient les droits de codécision des groupes défavorisés et fragiles, notamment des communautés indigènes. L’objectif est de mettre, à la disposition de la population vivant dans les zones de nos projets, des possibilités de recours faciles d’accès et d’encourager les procédures équitables pour résoudre les conflits. Nous intensifions le développement des droits d’accès et d’utilisation dont jouissent les groupes indigènes et locaux dans les zones protégées. Nous soutenons ainsi les communautés dans les négociations avec des organismes de l’Etat en vue d’établir des zones de pêche et de chasse ou pour leur permettre de récolter des plantes sauvages ou d’être assurés d’avoir accès à des sites culturels. Dans les projets que le WWF gère dans les pays du Sud, la réduction des conflits entre l’homme et la faune, ainsi que l’amélioration des conditions de vie des populations locales ont toujours joué un rôle central. Le rapport Pillay nous a montré que dans ce cadre, nous devions nous assurer davantage de la participation de tous les groupes de populations à nos formations continues, afin qu’ils puissent en profiter dans une mesure égale, et que nos contrôles de due diligence devaient porter sur tous les partenaires impliqués dans nos projets.

Nous avons également renforcé le suivi de nos projets. Outre les rapports de leurs responsables, les retours directs de la population doivent également être pris en compte. Notre objectif est de collaborer encore plus étroitement avec les organisations de la société civile. La tâche n’est pas simple, nos projets sur le terrain ayant souvent lieu dans des régions très reculées, dans lesquelles ces organisations ne sont pas présentes. Nous sommes toutefois convaincus que la mise en place de nouveaux partenariats augmentera l’aspect durable et l’effet de notre travail.

En raison du rapport Pillay, le WWF Suisse a décidé de soutenir le programme du parc national de Ntokou Pikounda, en République du Congo, dans ses efforts pour mettre en œuvre les recommandations relatives aux droits humains. En novembre 2017, le ministère de l’économie forestière de la République du Congo et le WWF ont signé un partenariat portant sur la gestion commune du parc, collaboration qui a débuté en avril 2018. Les objectifs subordonnés du partenariat sont la création commune de structures administratives qui fonctionnent et la protection de la diversité des espèces dans le parc national, qui s’étend sur près de 4300 km2.

Ces prochains mois, nous allons entre autres mettre en œuvre les activités suivantes:

  • Un code de conduite valable pour tous les collaborateurs du parc doit être élaboré puis expliqué aux personnes concernées dans le cadre de cours de formation. Visant à assurer le respect des droits humains, ce code prévoit notamment des mesures disciplinaires en cas de violation des règles définies.
  • Des formations spéciales sur les droits humains et les tâches des patrouilles seront en outre organisées pour les gardes-faunes. L’engagement d’observateurs chargés d’accompagner les patrouilles de gardes-faunes et de contrôler le respect des règles est en discussion.
  • Les droits d'accès et d’utilisation des groupes de populations indigènes et locales, et plus particulièrement les droits liés à la pêche, seront encore développés en étroite collaboration avec les personnes concernées.
  • Les informations sur les droits des populations indigènes et locales, ainsi que les devoirs et les obligations des gardes-faunes doivent être communiqués et expliqués à la population.
  • Un mécanisme de plainte va être mis sur pied pour le parc national Ntokou Pikounda, de concert avec les habitants des villages avoisinants.
  • La communication entre les populations indigènes et locales et l’administration du parc doit par ailleurs être renforcée. Dans ce contexte, des rencontres mensuelles directes facilitent la compréhension et l’identification des enjeux et permettent de prévenir les conflits.
  • Les entretiens avec les organisations de la société civile en République du Congo et la commission nationale des droits humains pour la mise en œuvre des mécanismes de plainte dans le domaine des violations des droits humains se poursuivent.