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05 septembre 2023

La politique agricole se flétrit

Les crises du climat et de la biodiversité exigent que nous agissions vite et courageusement. Or, la politique ne s’attaque pas aux problèmes environnementaux massifs dans l’agriculture. Surfertilisation, pesticides nocifs pour l’environnement et la santé, recul de la biodiversité: l’agriculture intensive vide les sols et les cours d’eau de leur énergie vitale.

«Une mini-réforme qui manque de courage et ne résout pas les graves problèmes environnementaux dans l’agriculture.»

Compte tenu des crises précitées, poursuivre ainsi n’est pas une option. Guy Parmelin, conseiller fédéral en charge du dossier agricole, l’a aussi reconnu. En hiver 2022, il a soumis une bonne réforme au Parlement: la Politique agricole 22+. C’était sans compter l’Union suisse des paysans, qui a sabordé le projet de loi avec le soutien d’economiesuisse. En échange de son aide dans la lutte contre l’initiative pour des multinationales responsables, le lobby agricole a été soutenu par la faîtière de l’économie pour renvoyer la réforme agricole à son expéditeur.

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Planzen auf Acker

Une réforme frileuse
Il aura fallu deux ans avant qu’une nouvelle proposition soit soumise au Parlement. Cette fois, le Conseil fédéral a pris soin de retirer tout point de discorde du projet. Cette mini-réforme frileuse ne convient pas pour résoudre les problèmes. Elle n’inscrit pas d’objectifs climatiques dans la loi. Elle ne prévoit pas de mesures climatiques pour le secteur agroalimentaire, pas de régulation plus stricte de l’épandage de lisier, pas d’obligation de respecter la capacité des écosystèmes ni de soutien financier pour les exploitations agricoles qui se font conseiller en vue de prendre des mesures favorables à la biodiversité. Aucun des 13 objectifs environnementaux n’est réalisé dans le domaine agricole. Cette réforme, que le Parlement a acceptée sans y apporter de modification, ou presque, ne changera pas les choses à long terme. La situation est bloquée pour plusieurs années, la prochaine révision de la politique agricole n’étant prévue qu’en 2030.

Sans la nature, nous n’avons rien à manger
Seul espoir: en guise de contre-projet informel à l’initiative sur les pesticides, refusée par le peuple en juin 2021, le Parlement a fixé des trajectoires de réduction pour les pesticides et les éléments nutritifs. D’ici 2027, les risques résultant de l’utilisation des pesticides doivent diminuer de 50% et l’apport d’éléments nutritifs dans l’environnement de 15%. C’est un premier pas, car une réduction des apports d’azote de 40% serait en principe nécessaire pour garantir la capacité de régénération de nos écosystèmes. Mais là aussi, le lobby agricole combat ces pas timides vers une production plus durable. C’est le cas avec l’augmentation d’environ 1% actuellement à 3,5% des surfaces de promotion de la biodiversité sur les terres cultivées. Cette mesure est fort importante pour réduire l’utilisation de pesticides. De telles surfaces jouent un rôle crucial pour les insectes utiles dont la présence réduit la fragilité des cultures face aux nuisibles et favorise la pollinisation des plantes.

La biodiversité assure l’approvisionnement en produits alimentaires sains. Elle est existentielle pour la production agricole. Des biotopes riches en espèces sont plus productifs, plus résistants et s’adaptent mieux et plus vite aux changements climatiques.

Moins de viande, plus de légumes
La politique aurait pour tâche de renforcer la résistance et la capacité d’adaptation du secteur agricole à la crise climatique. Les agriculteurs comme les consommateurs doivent être soutenus dans la modification de leurs habitudes. La consommation de viande doit diminuer au profit d’une alimentation – et donc d’une production – qui fait la part belle aux végétaux. L’idée est de protéger la base de la production alimentaire, c’est-à-dire la nature. Surfertilisation, pesticides nocifs pour l’environnement et la santé, recul de la biodiversité: la politique doit enfin prendre ses responsabilités.