16 décembre 2020 — Communiqué de presse

Chocolat contre forêt tropicale: les importations suisses encouragent la déforestation dans le monde

Une surface presque trois fois plus vaste que la Suisse a été utilisée entre 2015 et 2019 pour couvrir la demande helvétique en matières premières agricoles et forestières. Ce constat ressort du nouveau rapport Risky Business du WWF Suisse. Les risques que la production de ces matières premières font peser sur les forêts de la planète restent importants.

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Luftaufnahme der Entwaldung des Amazonas
  • Près d’un quart (22%) de l’empreinte écologique de la Suisse exprimée en surface au sol se situe dans des pays présentant un risque élevé ou très élevé en matière de déforestation, de mauvaise gestion gouvernementale et de standards lacunaires en matière de droits des travailleurs.
  • Plus de la moitié des importations nécessaires à la fabrication du chocolat suisse (54%) proviennent de pays où le risque de déforestation est élevé ou très élevé. Fait particulièrement frappant: l’empreinte écologique de la Suisse dans le secteur du cacao représente 3% de l’empreinte mondiale du cacao, ce qui est très élevé en regard de la part de notre pays à la population mondiale (0,1%).
  • La déforestation mondiale et la transformation de terres naturelles en terres agricoles progressent à un rythme alarmant. D’après l’étude du WWF, les gouvernements et les entreprises doivent maintenant prendre leurs responsabilités. Il faut que les chaînes de livraison soient aménagées de manière à exclure la déforestation, afin qu’aucun produit vendu sur le marché suisse n’encourage ce phénomène.
  • Les entreprises doivent évaluer leurs risques dans les chaînes de livraison en retraçant précisément la provenance de leurs produits.

Citation de Romain Deveze, expert en matières premières au WWF Suisse:

«Les effets des importations suisses de matières premières sur la déforestation dans le monde sont impressionnants. C’est pourquoi les autorités et les entreprises suisses ont une grande part de responsabilité en matière de protection des forêts à l’échelle de la planète.»

«L’une des révélations essentielles de l’étude est qu’en plus de l’huile de palme, très controversée, des matières premières comme le cacao, la noix de coco ou la canne à sucre ont également un impact notable sur la nature. Les entreprises et les autorités doivent donc prendre des mesures exhaustives, pour toutes les matières premières concernées.»

La déforestation est souvent cachée dans des produits résultant de l’importation de matières premières liées à de nombreux risques. La Suisse a aussi sa part de responsabilité dans ce contexte: entre 2015 et 2019, 11,2 millions d’hectares ont été nécessaires pour couvrir les besoins de la Suisse en huit matières premières agricoles et forestières. Ces matières premières étaient les suivantes: cacao, noix de coco, café, huile de palme, cellulose et papier, soja, canne à sucre et bois. Ce constat ressort de l’analyse «Déforestation importée: comment les matières premières importées par la Suisse encouragent la déforestation à l’étranger» réalisée par le bureau de conseil 3Keel pour le compte du WWF. Si l’on prend encore en compte les affaires commerciales suisses, ces chiffres ne constituent que la pointe de l’iceberg.

Les importations réchauffent aussi fortement le climat: entre 2015 et 2019, 2,3 millions de tonnes d’équivalents CO2* ont été libérées chaque année du fait de la transformation de sols naturels en terres agricoles. Cela représente approximativement 7% des émissions annuelles de la Suisse.

Le rapport analyse les risques liés aux importations des matières premières. La part de la Suisse à la production mondiale de café est élevée (2%) lorsque l’on sait que la Suisse ne représente que 0,1% de la population mondiale. Près de trois quarts des importations de café suisses (72%) proviennent de pays où le risque de déforestation est élevé à très élevé, notamment le Brésil, la Colombie, l’Ethiopie, le Guatemala, l’Indonésie, le Honduras, le Mexique et le Pérou. La Suisse n’importe pas de café de pays présentant un faible risque.

81% des importations de soja servent à nourrir le bétail helvétique

La production de soja a été multipliée par huit depuis les années 1960. Son extension en Amérique du Sud entraîne la déforestation et d’autres formes de destruction des habitats naturels. Surtout, la production de soja dépend directement de notre consommation de viande: près de 70% du soja cultivé dans le monde est destiné à nourrir le bétail, tandis que 6% seulement se retrouvent directement dans nos assiettes. En Suisse aussi, 81% des importations finissent dans les mangeoires des animaux.

 L’huile de palme est essentiellement produite en Indonésie (46% de la production mondiale) et en Malaisie (34%). L’extension de la culture des palmiers à huile est liée à la déforestation depuis longtemps déjà. Une étude récente a montré que 45% des plantations étudiées de palmiers à huile d’Asie du Sud-Est se trouvaient dans des zones qui étaient encore couvertes de forêts en 1989. Une partie significative de cette déforestation a été provoquée par le commerce mondial. La Suisse importe pour sa part 63 000 tonnes d’huile de palme chaque année. La surface nécessaire à l’étranger pour couvrir la demande suisse d’huile de palme s’est montée entre 2015 et 2019 à près de 25 000 hectares par année en moyenne.

(*Chiffres des émissions de CO2 mis à jour le 30.3.2021)

Informations complémentaires:

Contact:
Romain Devèze, expert en matières premières, WWF Suisse, e-mail, tél. +33 67 892 45 43