Changements systémiques plutôt que climatiques: 5 règles pour freiner la crise climatique
Faut-il plus de lois ou plus de responsabilité individuelle pour mieux protéger le climat et la nature? Pour le WWF, la situation est claire: sans loi, rien ne va plus. Mais comment procéder? Nous vous présentons 5 principes pour un système économique durable.
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ClimatLes lois doivent laisser une grande marge de manœuvre aux citoyens, favoriser les innovations et être économiquement efficaces dans leur mise en œuvre: telle est la conviction de Ion Karagounis, responsable au WWF Suisse des nouveaux modèles économiques et des questions d’avenir. Il a défini 5 principes qui permettraient d’aménager un système économique durable:
1. Définir des objectifs clairs
En premier lieu, pour protéger l’environnement, il faut des objectifs clairs, orientés sur le long terme. Se fixer des buts, aussi en tant que collectivité, n’a rien de répréhensible, et peut même être motivant. Chaque entreprise le fait, et nous procédons également ainsi en tant que particuliers.
Les objectifs doivent être mesurables, afin de savoir si nous les atteignons. En outre, il faut qu’ils soient opérationnels: ne pas laisser la température moyenne de la Terre augmenter de plus de 1,5 à 2 degrés est une bonne ligne directrice en matière de protection du climat. Pour rendre cet objectif opérationnel, nous devons définir la manière de le réaliser: nos émissions nettes de CO2 doivent être nulles d’ici 2050 à l’échelle planétaire. De cette manière, particuliers ou entreprises, nous savons tous que nous ne pouvons pas continuer éternellement à émettre du CO2. Et nous pouvons nous mettre à chercher de nouvelles solutions.
2. Chacun de nous se charge de la mise en œuvre
La politique a pour mission de définir les objectifs et les conditions-cadre. Trouver une voie adéquate pour y parvenir est en revanche du ressort de la recherche, de l’économie et de la société civile. L’Etat et la politique devraient se limiter à garantir un environnement propice, et ne devraient pas, dans la mesure du possible, prescrire l'utilisation de certaines technologies. L’interdiction de l’ampoule à incandescence dans l’UE en 2009 est un exemple. L’UE a en premier lieu défini des objectifs en matière d’efficacité: elle a fixé une quantité d’énergie maximale qui peut être utilisée pour produire une certaine luminosité. Il n’était pas possible de s’y conformer avec la technologie dépassée de l’ampoule à incandescence. L’industrie a tout d’abord lancé des ampoules économes sur le marché, avant que la technique LED s’impose, sans que l’UE n’ait jamais eu à prescrire une technologie plutôt qu’une autre.
3. Créer des incitations
Les chiffres parlent un langage simple, surtout quand il est question d’argent. Les incitations économiques ont généralement plus d’effet sur notre comportement que tout autre facteur. Les bonnes réglementations doivent donc désavantager financièrement les actes qui nuisent à l’environnement. Il y a longtemps que nous connaissons les instruments adéquats: taxes environnementales, certificats d’émissions ou suppression des subventions nuisibles à l’environnement.
Malheureusement, les exemples concrets de signaux tarifaires suffisamment importants pour déployer un effet significatif sont rares. La taxe CO2 suisse sur les combustibles en est un. Depuis son introduction, les émissions de CO2 dues au chauffage et aux processus industriels ont diminué de près de 2% chaque année. A titre de comparaison, les émissions de l’essence et du diesel, qui ne sont pas soumises à une taxe de ce genre, sont toujours au niveau de 1990.
4. Unifier les règles au plan mondial
Pour lutter contre les problèmes environnementaux à l’échelle planétaire, des règles uniformes sont nécessaires. Surtout, elles doivent être internationales. Dans le cas contraire, des manœuvres d’évitement se produisent forcément là où les règles ne sont pas suffisamment sévères. Cette exigence présente cependant aussi des risques: l’argument «En principe oui, mais seulement si tous les autres font la même chose» est souvent avancé contre toute nouvelle règle impopulaire. Les compromis boiteux qui en résultent ne servent en rien l’environnement.
Surtout qu’il n’est pas nécessaire qu’une entente absolue règne sur la nécessité de définir des normes internationales plus sévères. Aujourd’hui, on part du principe qu’il suffit qu’un nombre pertinent de pays soient disposés à accepter des règles plus strictes. On parle alors de «solutions de club». Pour une taxe CO2 harmonisée sur le plan international, il faut que l’UE soit suivie par un autre grand acteur, par exemple les Etats-Unis ou la Chine. Ces pionniers seraient en mesure de prélever des impôts sur les importations venant de pays sans taxe sur le CO2. On part du principe que les autres suivraient automatiquement.
5. Interdire peut aussi s’avérer judicieux
Quand les dommages qu’un produit ou un processus de production occasionne sont plus importants que les bénéfices apportés, une interdiction peut être la solution appropriée. On l’a vu à plusieurs reprises, comme dans le cas de l’amiante dans les constructions, dangereux pour la santé, ou des hydrocarbures fluorés dans les réfrigérateurs, qui nuisaient à la couche d’ozone. Les interdictions sont un message clair et ne nécessitent pas de mécanismes de régulation complexes. Annoncées suffisamment à l’avance, elles garantissent la sécurité de la planification et permettent l’abandon ordonné d’une technologie.
La protection du climat justifie-t-elle une interdiction d’utiliser des énergies fossiles? Oui, du moins partiellement. Actuellement, nous tentons au moyen de règles complexes de retarder l’inévitable: renoncer aux chauffages à mazout et aux moteurs à essence. Il est plus honnête de dire qu’à partir de 2035, plus aucun bâtiment ne sera chauffé par des sources d’énergie fossile, et qu’aucune voiture ne roulera plus avec de l’essence ou du diesel. Les technologies de remplacement existent et suffisent pour ne pas avoir à interdire à quiconque de chauffer son appartement ou de rouler en voiture.
Il en va différemment en matière de trafic lourd, d’aviation ou de processus industriels, où les alternatives ne sont pas encore prêtes à entrer sur le marché. Ici, des signaux tarifaires clairs sont une stratégie plus efficace. Ils permettent d’orienter le développement vers des technologies sans émissions.
Pourquoi ne faisons-nous rien de tout cela?
Les cinq principes peuvent paraître triviaux. Alors pourquoi ne les appliquons-nous pas? C’est tout simple: il y a toujours des individus ou des secteurs d’activités qui profitent de la situation actuelle et qui s’opposent aux nouvelles réglementations, même si elles encouragent l’innovation et qu’elles sont rentables. Cette attitude défensive est une stratégie compréhensible quand il s’agit d’assurer son existence. Néanmoins, elle complique la recherche de solutions à des problèmes mondiaux comme la crise climatique ou celle de la biodiversité. Car nous ne pourrons pas éviter la question décisive, à savoir comment inciter quelqu’un à renoncer à ses avantages personnels pour un objectif dont nous profitons tous?
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