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Tigerlebensraum in Indien
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02 juin 2022

Vivre aux côtés des tigres dans un monde qui évolue

Comment protège-t-on les tigres dans un monde où la population est plus nombreuse que jamais et où la crise climatique menace dangereusement l’habitat de l’être humain et des animaux? Suivez-nous en Inde, dans la région de la réserve de tigres de Pilibhit. Rencontrez Atul Singh, qui nous parle des défis provoqués par la présence du grand félin, et de la manière dont l’aide du WWF encourage la cohabitation entre le grand prédateur et la population.

Les tigres sont «en danger» - toujours. En cette année chinoise du tigre, il y a toutefois de bonnes nouvelles pour les amies et les amis du plus grand félin de la planète. Grâce à l’engagement infatigable de femmes et d’hommes aux quatre coins de la planète, 4900 tigres en liberté ont été comptés en 2022, soit 50% de plus qu’en 2010, année où ils n’étaient que 3200. Cette évolution marque un tournant porteur d’espoir puisque depuis le début du 20e siècle, le nombre de tigres sauvages n’avait cessé de diminuer.

Malgré cela, rien ne garantit que leurs effectifs pourront s’étoffer davantage. L’Asie, le seul continent sur lequel vit le grand félin emblématique, a en effet profondément changé depuis le début du 20e siècle et cette évolution se poursuit. C’est maintenant qu’il faut faire en sorte que le tigre trouve sa place dans ce nouvel environnement.

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Strasse durch das Philibhit Tiger Reservoir
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Madho Tanda Stadt

Selon les estimations, 24 000 kilomètres de route supplémentaires seront construits d’ici 2050 dans la région où évoluent les tigres sauvages.

Le morcèlement du territoire et l’urbanisation se poursuivent inexorablement et ne s’arrêtent pas aux portes des réserves naturelles. L’essor économique s’accompagne de la construction de nouvelles routes, de liaisons ferroviaires, de villages, de villes et de zones industrielles. Pour nourrir une population toujours plus nombreuse, les agriculteurs doivent trouver des terres cultivables supplémentaires. Comme si cela ne suffisait pas, la crise climatique réduit l’espace vital de l’être humain et du tigre. Celui du grand félin est d’ores et déjà fortement morcelé et isolé, ce qui complique la recherche de partenaires et la reproduction des animaux.

En conséquence, 46,7 millions de personnes vivent déjà côte à côte avec les tigres sauvages. Dans ces conditions, il est nécessaire de s’interroger sur la manière de réduire les conflits entre l’être humain et le tigre et pour les limiter au maximum à l’avenir. Les défis de cette coexistence sont nettement visibles en Inde. Dans la région qui abrite près de 70% des tigres sauvages, la population est de 32 millions de personnes, un chiffre en constante augmentation. Alors que nous nous réjouissons du nombre croissant de félins, la vie n’est pas toujours facile sur le terrain. Mais nous y reviendrons.

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Die Hauptstrasse durch das Philibhit Tiger Reservoir

La route principale qui traverse la réserve de Pilibhit est bordée de champs cultivés, de petits cafés et de fours en terre cuite. On y trouve aussi une école.

Entre «dangereux» et «en danger»

Peu d’histoires illustrent mieux le passé et l’avenir de la relation avec le tigre que le parcours d’Atul Singh.

«Autrefois, lors de conflits entre l’homme et le tigre, les autorités forestières engageaient des chasseurs privés», raconte-t-il en croquant dans un paratha encore chaud, un pain indien fourré. La pluie tombe sur le mince toit en étain de sa maison. Puis l’homme à la moustache remarquable décroche un vieux cadre du mur. Sur la photo en noir et blanc, on reconnaît un groupe de chasseurs bien habillés, armés de fusils. À leurs pieds gît un tigre sans vie.

«Mon grand-père fut le premier chasseur privé de la région», affirme Atul Singh avant d’ajouter: «Il a abattu 24 de ces majestueux félins.»

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Atul Singh Zuhause beim Kochen
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Atul Sigh mit einem Bild seines Grossvaters
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Bild von Atul Singhs Grossvater in der Zeitung

Le grand-père d’Atul n’était pas le seul à chasser le tigre. Outre la réduction inexorable de l’habitat naturel du félin, le braconnage est largement responsable de la menace qui pèse sur cette espèce.

Les forêts de la réserve de tigres de Pilibhit se trouvent à un jet de pierre de la maison d’Atul, derrière les champs de blé et les plantations de canne à sucre. Cette région est celle qui accueille le plus grand nombre de tigres sauvages au monde.

Longue et fine bande de forêt située au milieu des contreforts de l’Himalaya, la réserve est flanquée de zones densément peuplées. Ici, les limites entre l’habitat de l’être humain et celui du tigre s’estompent. Les femelles viennent donner naissance à leurs petits dans les plantations de canne à sucre et les champs de blé situés entre les zones habitées et la réserve.

Ou alors, ce sont les proies des tigres qui vont se cacher dans les cultures, où les félins tentent de les débusquer. Enfin, leurs jeunes s’approchent des villages, poussés par la curiosité. Autant de situations dangereuses pour les agricultrices et les agriculteurs de la région. «Un jeune tigre s’est même aventuré dans la cuisine d’un foyer», se souvient Atul Singh.

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Tiger mitten in der Stadt in Madho Tanda
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Tiger vor einem Zuckerrohr Feld

(A gauche) Un jeune tigre dans la cuisine d’un foyer à Madha Uttar Pradesh. (A droite) Une femelle en bonne santé marche le long d’une plantation de canne à sucre, à la frontière de la réserve de Pilibhit.

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Zwei junge Tieger beim Spielen in einem Zuckerrohr Feld
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Zwei Tiger laufen entlang einem Weizenfeld

(A gauche) De jeunes tigres jouent dans un champ de canne à sucre à proximité de la réserve de Pilibhit. (A droite) D’autres traversent un champ où est cultivé du blé, à la lisière de la forêt.

Dans ces circonstances, la région qui entoure la réserve est devenue le lieu de nombreux conflits entre l’être humain et le tigre. «La population locale déplore de nombreuses pertes», explique Atul. Il fait une pause et baisse la tête, le front plissé. «Les gens se sont mis à se défendre, à poursuivre les tigres et à les abattre.»

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Satya Devi

Le mari de Satya Devi, 65 ans, a été tué par un félin. «Il est sorti tard le soir. Il a été attaqué par un tigre juste devant la maison. Nous l’avons appris le lendemain, quand un voisin l’a trouvé.» © Jitender Gupa.

Quand on ne vit pas sur place, il est aisé d’applaudir l’augmentation du nombre de tigres sauvages. Pour les personnes de la région, chaque animal peut représenter un danger, que ce soit pour le bétail ou, dans les cas extrêmes, pour sa propre vie. Chaque conflit avec le tigre use la tolérance de la population locale à l’égard du grand félin. Inversement, tout conflit évité est une chance. L’exemple d’Atul Singh en est la preuve.

Un ennemi devenu un ami

Très inquiété par la recrudescence des problèmes entre la population et le tigre dans le voisinage, Atul a décidé de prendre les choses en main. «Depuis que je suis enfant, je considère le tigre comme le plus bel animal de la planète. Plus j’en apprenais à son sujet, plus j’étais curieux. J’ai également réalisé que cet animal disparaissait lentement», explique celui qui connaît la région et ses tigres comme personne. Il en a arpenté les forêts et les champs depuis son plus jeune âge, souvent en compagnie de son grand-père.

Atul a toujours su qu’il ne pouvait pas empêcher les tigres de quitter les zones boisées. En revanche, les connaissances héritées de son grand-père l’ont aidé à minimiser le risque que représente un grand félin pour la population locale. C’est ainsi qu’il a commencé à enregistrer les tigres sortant de la réserve, à prédire leurs incartades en terres habitées et à avertir la population de la présence d’un tigre à proximité. Il a rapidement constaté que de nombreux conflits avec le tigre pouvaient être évités par un comportement attentif et prudent.

Soutenu par le WWF, Atul a mis sur pied une première équipe locale de 12 personnes chargées de protéger le tigre. Ils se surnomment «Bagh Mitra», ce qui signifie «Amis du tigre». Les «Bagh Mitra» travaillent main dans la main avec les autorités forestières. Ils localisent les fauves, surveillent leurs errances et expliquent aux communautés villageoises comment gérer leur présence. En plus d’éviter les conflits, cette stratégie encourage la compréhension de la population locale à l’égard de la présence du grand prédateur. Aujourd’hui, 200 «Bagh Mitra» sont déjà actifs dans les villages autour de la réserve de Pilibhit.

«Nous travaillons tous les jours avec les gens de la région et les aidons à cohabiter en paix avec les tigres», dit Atul. «Nous sommes très fiers d’être parvenus à doubler le nombre de tigres sauvages à Pilibhit», ajoute-t-il.

Les «Bagh Mitra» sont les premiers sur place lorsqu'une empreinte de patte de tigre est signalée ou que le grand félin est aperçu dans une zone d'habitation.

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Mitglieder der Bagh Mitra beim Untersuchen eines Tiger Pfoten Abdrucks
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Atul Sigh mit den Bagh Mitra, den Freunden des Tigers

Atul donne quelques indications et des conseils aux membres de son équipe pour les aider à mieux expliquer à leurs communautés respectives quelle attitude adopter en présence des tigres.

Apprendre des «amis du tigre»

L’histoire d’Atul ne montre pas seulement comment la cohabitation avec le tigre a évolué. Elle donne aussi la direction dans laquelle la protection du tigre et celle des espèces doit se diriger à l’avenir.

Comme le demande le rapport du WWF «Living with Tigers», il est nécessaire de repenser la protection de l’espèce. Il ne suffit pas de créer des espaces protégés pour les animaux en danger. Il est en revanche prioritaire de mettre l’accent sur l’encouragement de la coexistence pacifique entre l’être humain et le grand félin. Pour que le tigre puisse à l’avenir vivre en liberté, nous dépendons, pour sa protection, de l’expertise et de l’expérience de celles et ceux qui le côtoient au quotidien.

Le programme «Bagh Mitra» joue un rôle de pionnier à cet égard. En étroite collaboration avec les autorités forestières de l’Uttar Pradesh et le WWF, les «Amis du tigre» contribuent de manière déterminante à faire accepter le majestueux félin au niveau local. L’acceptation est en effet la condition élémentaire pour qu’une coexistence paisible entre la population et les animaux sauvages soit possible, en Inde comme dans le reste du monde.

Ce que vous pouvez faire

Soutenez le WWF dans son travail d’aide aux initiatives locales telles que celle des «Bagh Mitra» et veillez ainsi à ce que les tigres, les lions et d’autres grands félins puissent cohabiter en paix avec la population locale. Votre don fait toute la différence!

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Gros plan de Sumatran Tiger

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