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Plakate an einer Klimademonstration in Madrid
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14 mars 2024

Politique climatique: actualités en bref

Nous thématisons régulièrement les défis actuels de la politique énergétique et climatique et nos propositions pour l'avenir énergétique et la décarbonisation. De manière compacte et compréhensible, nous présentons nos principales revendications à l'égard de la politique nationale.

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Mars 2024: Marché suisse de quotas d’émissions: une politique climatique qui fait fausse route

Pendant la session de printemps, le Parlement va finaliser la loi sur le CO2. À Berne, on continue de miser sur l’achat de certificats d’émission à l’étranger et, ce faisant, sur des projets de compensation, au lieu de s’atteler à la réduction des émissions indigènes. En pratiquant ce qui ressemble fort au commerce des indulgences, la Suisse s’isole du reste de la communauté internationale. Aucun autre pays industrialisé ne suit ce modèle dans une mesure comparable. En effet, cette approche est très controversée. En plus d’être pénible, elle affaiblit la protection du climat à l’échelle mondiale.
L’essentiel en bref:

  • Après des années d’échanges de quotas d’émission, la Suisse n’a pas suffisamment réduit ses émissions et accumulé une montagne de dettes carbone, qui ne cesse par ailleurs d’augmenter.
  • D’après des études, pas plus d’un quart des certificats vendus permettent effectivement de réduire les émissions comme prévu. En conséquence, l’impact de la Suisse sur le climat est plus important qu’on ne veut bien le dire.
  • Les technologies respectueuses du climat connaissent une croissance rapide dans le monde entier. Sans plans de réduction systématiques en Suisse, il manque des incitations sur le marché indigène. Pendant ce temps, l’économie suisse s’isole.
  • En raison des conflits d’objectifs dans les pays partenaires, les projets adéquats se font de plus en plus rares. Seul un quart de la compensation nécessaire de 2021 à 2030 a pour l’heure pu être garanti par contrat.
  • Proposition de solution du WWF: trois mesures pour une politique climatique d’avenir.

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Février 2024: L'UE, une pionnière de la protection du climat? Quels enseignements la Suisse peut-elle en tirer?

Souvent, l’Union européenne est considérée, à l’échelle internationale, comme une pionnière de la politique climatique. En effet, avec son «pacte vert», elle a pris en 2019 un virage aussi ambitieux qu’inclusif, puisqu’il englobe tous les secteurs et pose les fondations d’une future économie de marché respectueuse du climat et de l’environnement. Depuis, de nombreuses adaptations de lois concrètes ont déjà été adoptées, et ce bien que 27 Etats en partie très différents doivent parvenir à s’entendre à Bruxelles. Quelles mesures sont importantes et quelles sont celles qui pourraient aussi être judicieuses pour la Suisse?
L’essentiel en bref:

  • L’UE veut atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Par rapport à 1990, ses émissions doivent baisser de 55% d’ici 2030.
  • Pour y parvenir, elle renonce aux compensations à l’étranger. L’objectif de réduction est ainsi largement plus ambitieux que celui de la Suisse.
  • L’UE renforce et étend le système d’échange de quotas d’émission pour les gros émetteurs de CO2, repris jusqu’à présent tel quel par la Confédération.
  • Les droits de polluer gratuitement destinés à protéger l’industrie très gourmande en énergie face à la concurrence étrangère seront progressivement remplacés par un nouvel ajustement carbone aux frontières. La Suisse serait bien inspirée de suivre le mouvement.
  • En revanche, certaines approches choisies par l’UE ne convainquent pas. Dans le secteur des transports, l’obligation d’incorporer des biocarburants aux carburants fossiles nuirait en fin de compte à l’environnement. Cette obligation devrait être limitée aux carburants synthétiques issus de sources renouvelables.
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Juin 2023: Effets concrets de l’acte modificateur unique pour l’approvisionnement en électricité?

Dans le cadre de l’acte modificateur unique, nous aménageons notre avenir énergétique avec les décisions déjà prises et celles qui le seront encore. Mais quelles seront leurs conséquences concrètes? Nous avons réuni pour vous des chiffres éloquents. Notre évaluation montre qu’en principe

  • les propositions du Parlement conviennent pour garantir un approvisionnement électrique sûr d’ici 2030;
  • un standard en matière de production d’électricité photovoltaïque sur les bâtiments et les places de stationnement, l’amélioration de la rétribution de l’électricité produite à base de sources renouvelables et l’introduction d’un marché des prestations d’efficacité sont d’une importance décisive;
  • en revanche, le démantèlement du droit matériel en matière de protection des cours d’eau et de la nature n’apporte aucune contribution pertinente et doit être évité compte tenu de la crise de la biodiversité;
  • en outre, d’autres révisions de la loi seront nécessaires.

Sommes-nous sur la bonne voie en matière de transition énergétique?

Même si, il y a trois ans, le Conseil fédéral a évalué l’effet général de sa proposition d’alors pour l’acte modificateur unique, il n’y a pas eu, à ce jour, d’analyse indiquant dans quelle mesure les instruments et dispositions choisis entretemps par le Parlement y contribuent et pour quelle raison. On ne sait pas non plus quels seront les effets concrets, sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique, de la révision effectuée depuis à la suite de l’initiative parlementaire Girod et des modifications législatives adoptées par les Chambres fédérales. Contrairement à l’UE, l’administration ne publie pas de telles études d’impact détaillées en raison (aussi) des incertitudes qui en découlent. Les effets de la combinaison des instruments sont en particulier importants, le résultat dépendant entre autres également du poids donné dans ce mélange au soutien direct, aux incitations fiscales, aux obligations et aux interdictions. Nous tentons néanmoins d’esquisser sommairement la situation en 2030, en partant des hypothèses suivantes:

  • la centrale de Beznau est arrêtée;
  • l’UE limite effectivement les capacités d’importation de la Suisse de manière unilatérale;
  • il n’est pour le moment question que de la sécurité de l’approvisionnement en électricité;
  • l’abandon des énergies fossiles avance plus vite que par le passé;
  • les problèmes rencontrés dans les chaînes de livraison et la pénurie de personnel qualifié entraînent toujours des retards, mais la croissance des investissements se maintient;
  • les prix maximums des agents énergétiques fossiles de 2022 ne sont plus atteints;
  • les prix du gaz ne reculent pas au point que le prix plus bas de l’électricité sur le marché freine les investissements.

Il n’y aura toujours pas de problème d’approvisionnement en été. C’est pourquoi nous nous concentrons sur l’approvisionnement en hiver. Détail qui a son importance: en Europe, à ce jour, la quantité d’électricité issue de sources renouvelables produite en hiver est supérieure à celle produite en été. Sans restriction d’importation, les priorités de la transition énergétique devront donc probablement être redéfinies

L’approvisionnement en électricité de la Suisse en hiver 2030

En raison surtout de la mobilité électrique et des pompes à chaleur, la consommation d’électricité va augmenter d’ici 2030. Cette hausse pourra difficilement être compensée, les instruments actuels et futurs en matière d’efficacité énergétique prévus dans l’acte modificateur unique, dans la loi sur le climat et l’innovation (LCI) et dans les lois cantonales sur l’énergie n’ayant que des effets modérés.

Consommation hivernale 2030 en TWh

  • Consommation hivernale brute en 2020/2021 y c. pertes 33.6
  • Electrification des applications des énergies fossiles (marché, lois cantonales sur l’énergie, loi CO2 et LCI) +3.5
  • Marché des prestations d’efficacité plus rôle de modèle de la Confédération selon le CN plus instruments existants -1
  • Renforcement du remplacement des chauffages électriques (lois cantonales sur l’énergie et LCI) -0.5
  • Consommation d’électricité brute en résultant en 2030 35.6

On assiste à des pertes volontaires du côté de la production, les centrales nucléaires étant progressivement mises hors service; par ailleurs, des débits résiduels minimaux doivent être respectés pour l’octroi des nouvelles concessions hydraulique. La suspension de la loi sur la protection des eaux selon le Conseil national n’aurait pratiquement pas d’influence sur l’approvisionnement énergétique, les quantités résiduelles prescrites étant de toute manière peu importantes et le nombre de nouvelles concessions prévu d’ici 2035 relativement faible. De manière générale, on voit que ce débat est idéologique. Il n’est en revanche pas pertinent pour la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

Le tableau ci-après montre les autres contributions de lois et d’instruments variés dans l’acte modificateur unique. Il apparaît que le standard solaire sur les bâtiments et les places de stationnement, dont la conception est encore controversée, exerce une grande influence sur les surfaces disponibles pour la production photovoltaïque et leur rendement. Par conséquent, ce point mérite la plus grande attention politique.

Production hivernale 2030 en TWh

  • Production nette 2020/2021 31.8 Arrêt de Beznau I+II -3.5
  • Respect des dispositions légales relatives aux débits résiduels pour les nouvelles concessions -0.1
  • Suspension des dispositions relatives aux débits résiduels selon le CN (art. 2a LEne) pour la période 2025-2030. +0.05
  • Conditions de soutien améliorées et prolongées selon l’iv. pa. Girod (en vigueur) +2.3
  • Courant solaire alpin express (en vigueur) (hypothèse: 45% de part de courant hivernal de 2 TWh maximum) +0.9
  • Production éolienne express (variante CN) (la limite supérieure de 0,8 TWh (66% de 1,2 TWh) est incertaine, de nombreux projets se trouvant encore au début de la phase de planification et d’autorisation) +0.4
  • Conditions améliorées pour la rétribution de l’injection plus prime de marché flottante plus modification de la loi sur l’aménagement du territoire dans le cadre de l’acte modificateur unique +1
  • Standard solaire sur les places de stationnement, les nouveaux bâtiments et lors d’assainissement de toits (la fourchette correspondant à la marge de manœuvre du Conseil des Etats) +1 - 3
  • 15 projets de centrales hydroélectriques retenus par la Table ronde et inscrits dans l’acte modificateur unique (hypothèse: projets avec 25% de potentiel réalisés d’ici 2030) +0.5
  • Production d’électricité en résultant en hiver 2030 34.35-36.35
  • Importation nette maximale en hiver (le CE veut un maximum de 5, le CN un maximum de 6,6) +5
  • Offre de courant hivernal maximale 39.35-41.35

Ces estimations montrent clairement que si le Parlement conçoit l’acte modificateur unique de manière adéquate, la Suisse verra la sécurité de son approvisionnement s’améliorer. La capacité d’importation pourrait être réservée aux cas exceptionnels comme les pannes de centrales nucléaires, les épisodes de sécheresse ou les hivers extrêmement rigoureux.

Tout va donc pour le mieux?

Pas vraiment. Nos calculs montrent, dans le tableau, que le démantèlement du droit de l’environnement ne permettrait pas de produire davantage d’électricité dans des quantités pertinentes. C’est pourquoi, selon nous, la version de l’acte modificateur unique du Conseil national doit être corrigée. Pour pouvoir accélérer suffisamment le développement de la capacité de production, il est nécessaire de planifier la protection et l’utilisation à un niveau supérieur et de rendre les processus d’autorisation plus efficaces. Un projet de loi en ce sens est annoncé pour cet été. Ce projet doit obligatoirement aussi porter sur le développement du réseau, afin que les nouvelles centrales puissent aussi réellement y injecter l’électricité qu’elles produisent. Pour un réseau intelligent qui intègre, de manière optimale, les producteurs, les consommateurs et les solutions de stockage (y c. les batteries, notamment celles des voitures) dans un système global, il faut bien davantage que des compteurs intelligents et certainement aussi adapter d’autres règles du jeu.

En raison du message peu ambitieux du Conseil fédéral, il est d’ores et déjà clair que le supplément de 2,3 ct/kWh perçu sur le réseau ne suffira pas à doubler les objectifs de développement. Des modifications sont donc nécessaires pour la période à partir de 2030.

Le WWF estime que le rythme de l’abandon des énergies fossiles de cette hypothèse est trop lent. L’électrification doit être plus rapide. La prochaine révision devra donc aussi porter sur l’utilisation de surfaces supplémentaires sur les bâtiments et les infrastructures pour la production photovoltaïque, et sur l’exploitation plus systématique encore des potentiels d’efficacité.

Conclusion

«Pour prendre de bonnes décisions politiques, l’effet des mesures prises doit être exposé de manière transparente. Ce principe vaut tout particulièrement dans un domaine aussi controversé que celui de l’approvisionnement énergétique. C’est la raison pour laquelle nous partageons avec vous nos appréciations et nos réflexions, même si elles reposent sur certaines approximations et qu’elles sont limitées à l’horizon 2030. Et comme ni la panique ni l’immobilisme ne permettent de relever les défis, nous devons nous y atteler!»

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Patrick Hofstetter, WWF Schweiz

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Février 2023: L’abandon rapide du gaz fossile: Le moment est idéal

Voilà maintenant un peu plus d’une année que la Russie a attaqué l’Ukraine. La guerre continue de provoquer d’immenses souffrances et montre à quel point l’approvisionnement en gaz de la Suisse est fragile. Cette infolettre esquisse des pistes de solutions pour sortir de ce piège tout en progressant vers une meilleure protection du climat (la fiche d’information actuelle sur le gaz fossile fournit de plus amples détails à ce sujet).

L'essentiel en bref:

  • En Suisse, le gaz fossile joue un rôle important pour chauffer les bâtiments et dans les processus industriels. La consommation de gaz fossile et ses émissions de CO2 se maintiennent depuis des années à un niveau élevé.
  • Le gaz provient souvent de pays dont nous ne voulons pas dépendre.
  • La plupart des distributeurs de gaz suisses appartiennent aux pouvoirs publics. Les conditions seraient donc idéales pour démanteler les réseaux de distribution de gaz au cours des 15 à 20 prochaines années et ainsi abandonner progressivement le gaz fossile.
  • Bien que des solutions existent pour réussir cette transition, il ne se passe pratiquement rien. Il appartient désormais surtout aux villes et aux communes, qui sont propriétaires des sociétés de distribution de gaz, d'agir de façon déterminée.

Agir résolument implique que:

  • es communes imposent un plan de transition aux distributeurs dont elles sont propriétaires, et fixent une date pour son exécution. 
    • Winterthour et Zurich montrent l’exemple : les réseaux de distribution de gaz y seront démantelés d’ici 2040. Dans le canton de Bâle-Ville, cette échéance a même été fixée à 2037.
  • Les communes révisent leur plan énergétique, ce qui facilite le démantèlement progressif des réseaux de distribution de gaz. La mise en place et le développement de réseaux de chaleur vont également dans ce sens.
  • La population, les partis politiques et les associations fassent pression lorsque la ville ou la commune tarde à agir.

Les villes et les communes ne sont toutefois pas seules dans le processus d’abandon du gaz fossile. Les cantons et la Confédération ont eux aussi un rôle à jouer dans ce contexte. Ils doivent…

  • Modifier les lois cantonales sur l’énergie et actualiser le MoPEC de manière que l’installation de chauffages fossiles ne soit possible qu’à titre exceptionnel. Le démantèlement des réseaux de distribution de gaz ira plus vite si les propriétaires de biens immobiliers sont dédommagés à la valeur actuelle pour leurs chauffages à gaz qui ne sont pas encore amortis. Une étude commandée par le WWF montre que le bilan écologique d’un remplacement anticipé des chauffages fossiles est judicieux.
  • Fixer des conditions-cadres au niveau fédéral pour que la production de biogaz à partir d’engrais de ferme soit rapidement développée et qu’elle puisse être utilisée de manière optimale d’un point de vue climatique.
  • Remanier le projet de réseau de distribution de gaz pour rendre l’abandon du gaz fossile possible et économiquement supportable.

Enfin, nous toutes et tous avons nous aussi un rôle à jouer dans ce processus:

  • En votant OUI le 18 juin et en adoptant la loi sur la protection du climat. En effet, ce texte facilite l’abandon du gaz fossile: grâce aux moyens supplémentaires alloués au remplacement des chauffages fossiles, à l’assainissement énergétique des bâtiments et au développement de technologies destinées à libérer les processus industriels de leur dépendance au gaz fossile.

Des avantages importants grâce à l’abandon rapide du gaz

Un abandon soigneusement planifié et rapide du gaz fossile a de nombreux avantages. En effet, il...

  • réduit les dépendances géopolitiques,
  • accroît la sécurité de l’approvisionnement en raison du remplacement des importations par de l’énergie renouvelable produite en Suisse,
  • aide la Suisse à réduire fortement ses émissions de CO2 et à atteindre ses objectifs climatiques.

L’illusion de l’approvisionnement en gaz climatiquement neutre

Nous sommes toutefois encore bien loin de l’abandon du gaz fossile:

  • Actuellement, il couvre encore 15% des besoins énergétiques de la Suisse. Deux tiers de ce gaz chauffent les appartements et les maisons de millions de citoyennes et de citoyens, tandis que le reste approvisionne l’industrie.
  • En 2019, le gaz a même remplacé le pétrole en tant que principale source énergétique, et sa consommation reste élevée.

Pourtant, on observe aussi des évolutions positives : c’est le cas du modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC), qui prescrit que l’énergie de chauffage doti en partie être issue de sources renouvelables pour les nouvelles constructions et lors du remplacement d’un système de chauffage. Certains cantons ont même décidé d’interdire de facto les nouveaux chauffages fossiles.

Ces mesures sont réjouissantes mais insuffisantes.

En leur qualité de propriétaires de la plupart des sociétés de distribution de gaz, les communes et les villes ont le pouvoir de suivre l’exemple de Winterthour, de Zurich et de Bâle et d’ordonner un démantèlement des réseaux de distribution de gaz planifié de manière intelligente, comme le veut aussi le principe établi selon lequel les pouvoirs publics doivent être des modèles en matière climatique.

La grande majorité des distributeurs de gaz agit pourtant comme si la crise climatique n’existait pas et comme si la Suisse ne s’était pas fixée pour objectif de réduire à zéro ses émissions nettes de gaz à effet de serre. Jusqu’à récemment, certains d’entre eux ont même versé des primes aux propriétaires qui optaient pour un chauffage à gaz. Nombre d’entre eux font l’éloge, de manière plus ou moins subtile, de leurs produits contenant 100% de gaz fossile, en les ventant à leur clientèle comme avantageux et respectueux du climat (car le gaz fossile émet un quart d’émissions en moins que le mazout). Une comparaison publiée récemment par SuisseEnergie montre que dans le secteur du gaz, les énergies renouvelables peinent à progresser en raison de la «faiblesse des objectifs stratégiques». On ne peut donc pas parler du démantèlement des réseaux.

L’économique gazière s’engage à atteindre l’objectif zéro net en 2050 et entend y parvenir grâce au biogaz et aux gaz synthétiques. Le gaz livré doit être neutre pour le climat à hauteur de 15% d’ici 2030, pour moitié d’ici 2040 et entièrement dix ans plus tard. Les distributeurs de gaz n’ont à ce jour pas expliqué de manière concluante comment ils comptaient s’y prendre. Les expériences faites à ce jour laissent planer de grands doutes.

Pénurie de gaz renouvelables

Le biogaz, une denrée rare:
En 2022, la part du biogaz dans le réseau suisse était de presque 8%. Plus de quatre cinquièmes sont des importations et la production indigène n’augmente que lentement. Il existe bien un potentiel important dans ce domaine, mais il est impossible à réaliser pour plusieurs raisons. Avec le renforcement des lois climatiques dans l’UE, il est prévisible que les pays européens utiliseront à l’avenir eux-mêmes le biogaz qu’ils produisent. L’économie gazière suisse a visiblement reconnu ces difficultés et divisé silencieusement par deux l’objectif d’origine de 30% de part de biogaz en 2030. Le biogaz va rester une denrée rare, même si une partie du potentiel sera exploité à l’avenir, ce qui est urgent. En effet, les besoins en biogaz sont grands, tant dans l’industrie que pour couvrir les pointes de charge dans les réseaux de chaleur.

Les gaz synthétiques, une denrée rare également:
Suffit-il de produire des gaz synthétiques – de l’hydrogène et du méthane grâce à la force du soleil et du vent – pour résoudre le problème? Malheureusement non. La production de ces gaz est chère et consomme énormément d’énergie: pour chauffer un bâtiment avec du gaz synthétique, il faut 6 à 14 fois plus d’électricité de source renouvelable que pour parvenir au même résultat avec une pompe à chaleur. C’est pourquoi l’Office fédéral de l’énergie écrit, dans une thèse, que l’hydrogène (H2) ne devrait être utilisé qu’à titre exceptionnel pour le chauffage. En d’autres termes, les gaz synthétiques sont, comme le biogaz, trop précieux pour simplement chauffer des locaux. Ils sont nécessaires lorsqu’il n’existe pas d’autre solution: pour le transport maritime et aérien, pour l’industrie et éventuellement pour les transports lourds longue distance.

Les conséquences pour le réseau de gaz existant

La crise climatique exige une décarbonisation rapide de la production de chaleur. Les solutions existent. En conséquence, le réseau de distribution de gaz en Suisse doit largement être démantelé. Il peut y avoir des cas dans lesquels l’utilisation de biogaz est judicieuse, par exemple dans les centres historiques denses, qui ne peuvent pas être raccordés au réseau de chaleur à distance et où la place manque pour installer des pompes à chaleur. Pour ces cas particuliers, de petits réseaux suffisent. Pour l’approvisionnement de l’industrie en biogaz, en gaz synthétique et en hydrogène, des solutions spécifiques sont aussi nécessaires. Un réseau dense n’est ici pas non plus nécessaire.

Comme les conditions pour la production d’hydrogène et des gaz synthétiques à partir de l’énergie solaire et éolienne sont moins chères hors d’Europe, un négoce global se dessine à l’horizon. Les préparatifs sont en cours, comme en témoigne par exemple la planification d’un réseau de pipeline H2 sur le territoire européen. Pour l’industrie, il est très important que la Suisse soit de la partie. Mais même dans ce cas, elle n’aura alors plus besoin d’un réseau dense de distribution de gaz.

Les expériences des distributeurs de gaz qui ont commencé le démantèlement de leur réseau indiquent que les risques qui attendent les membres de la branche toujours hésitants sont importants. Les services industriels bâlois ont par exemple averti le parlement cantonal qu’il devait s’attendre à des amortissements de plusieurs millions de francs sur les installations du réseau gazier malgré l’horizon de démantèlement jusqu’en 2037. Chaque distributeur de gaz qui ne planifie pas concrètement le démantèlement de son réseau risque de faire face à des «stranded investments». Ce sont leurs propriétaires, c’est-à-dire les villes et les communes, qui en feront les frais.

Des solutions éprouvées pour remplacer le gaz naturel

Des technologies ont fait leurs preuves dans l’abandon du gaz fossile. La plus importante est la pompe à chaleur, qui utilise efficacement de l’électricité de source renouvelable et la chaleur gratuite du sol ou de l’air pour chauffer nos maisons. Les réseaux de chaleur apportent aussi leur pierre à l’édifice en utilisant l’important potentiel de chaleur résiduelle de l’industrie, des cours d’eau, de la biomasse et de la géothermie profonde. L’énergie solaire thermique et, dans une moindre mesure, les chauffages à bois contribuent aussi au changement. Une meilleure isolation des nouveaux bâtiments et l’assainissement des bâtiments existants permettent aussi de réduire la consommation d’énergie et de décharger les réseaux électriques.

Depuis plus de dix ans, la part de chauffages exploités avec de l’énergie de sources renouvelables augmente en Suisse. En 2021, elle était de plus de 90% dans les nouveaux bâtiments et de près de 60% lors du remplacement d’un chauffage dans un bâtiment ancien. Cela montre bien que de tels systèmes de chauffage fonctionnent et qu’ils s’imposent sur le marché. En conséquence, leur taux d’utilisation doit atteindre 100%. Les réseaux de chaleur ont eux aussi fait leurs preuves, raison pour laquelle beaucoup de communes les ont développés. De nombreux autres projets sont prévus.

Pour les processus dans l’industrie, qui demandent des températures plus élevées, le biogaz, les combustibles synthétiques, le bois ou l’électricité entrent en jeu.

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Eines der weltweit grössten Spezialschiffe, die Pioneering Spirtit auf dem Bosporus in Istanbul
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Gaspipline in Griechenland

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Janvier 2023: Passer la vitesse supérieure pour un approvisionnement énergétique sûr et une meilleure protection du climaten en 2035 déjà

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la décision prise par l’Europe de ne plus dépendre du pétrole et du gaz russes nous a tous placés face à une nouvelle réalité. Avec nos partenaires de l’Alliance-Environnement, nous avons également revu nos scénarios.

Il apparait clairement que nous ne pourrons assurer notre approvisionnement énergétique en accord avec la protection du climat et des espèces que si nous agissons plus rapidement que prévu à l’origine. Jusqu’à maintenant en effet, la Suisse s’est fixé pour objectif d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. La nouvelle réalité nous montre qu’il est temps de passer à la vitesse supérieure. Pour cela, nous devons abandonner sans tarder les énergies d’origine fossile. Cette transition est indispensable pour protéger le climat. Mais elle nous permettra aussi d’être plus rapidement indépendants des importations et de réduire le risque nucléaire. Pour y parvenir, la production d’énergie de sources renouvelables doit être massivement développée d’ici 2035, sans pour autant lui sacrifier nos espaces les plus précieux dédiés à la biodiversité. Cette revendication confirme la position que nous avions déjà anticipée et défendue avec insistance après la catastrophe de Fukushima.

Des spécialistes de l’énergie et du climat de l’Alliance-Environnement montrent comment nous pouvons réussir le virage énergétique d’ici 2035 dans un concept global. Il tient compte de la transformation du système énergétique complet et propose des solutions spécifiques pour produire de l’énergie de manière plus respectueuse du climat. Nous présentons, dans huit fiches d’information, nos idées pour un tournant énergétique rapide qui ménage le climat et protège la biodiversité.

Des sources d’énergie pour l’avenir: trois piliers

Les défis à relever sont complexes. Des technologies variées et des solutions sur mesure seront nécessaires pour y parvenir. Il est important de composer un éventail de solutions qui respecte la nature et le climat et qui soit aussi capable de compléter le système et de le rendre résistant. Nous recommandons de conserver la force hydraulique, ce pilier existant déjà, mais de la rendre éco compatible. Il est aussi essentiel de développer la production photovoltaïque pour en faire un pilier tout aussi important. Le pilier de l’efficacité joue également un rôle incontournable. Souvent sous-estimé, il recèle pourtant un immense potentiel.

Conserver la force hydraulique

Le potentiel de la force hydraulique pouvant être exploité dans le respect de l’environnement et de la nature est déjà exploité à plus de 95%. En effet, plus de 1300 centrales électriques ont produit 36,8 TWh d’électricité en 2020. Près de 60% de l’électricité générée en Suisse est issue de la force hydraulique. Si les installations existantes sont rénovées, agrandies ou améliorées, il devrait être possible de produire jusqu’à 2 TWh d’énergie de stockage hivernal en plus. A l’avenir, les augmentations de production réalisables et l’inscription urgente, dans la loi, d’exigences minimales en matière d’environnement concernant les débits résiduels s’équilibreront plus ou moins jusqu’en 2050. La force hydraulique reste un appui central du système énergétique, car elle est flexible et régulable et qu’elle garantit la stabilité du réseau. Elle doit cependant mieux tenir compte des besoins de l’environnement.

Gagner en efficacité

En Suisse, nous n’utilisons pas l’énergie que nous produisons de manière efficace ou économe. Une étude récente de l’Energy Journal montre que la Suisse est l’avant-dernière du classement établi entre 29 pays sur ce thème. Une quantité importante d’énergie est gaspillée, car les bâtiments ne sont pas suffisamment isolés, car les solutions de remplacement aux chauffages et véhicules alimentés avec des sources d’énergie fossiles ne sont pas utilisées, car les entreprises industrielles et artisanales n’exploitent ou ne connaissent pas leur potentiel en matière d’économies d’énergie ou, car les appareils électriques restent allumés ou en mode veille au lieu d’être éteints. Le fait est que rien qu’en matière de consommation d’électricité au quotidien, l’industrie et les foyers pourraient économiser environ un tiers de la consommation actuelle sans devoir renoncer à la qualité. Concernant la consommation d’électricité totale, le potentiel est encore supérieur. En réalisant des optimisations en matière de besoins en énergie, nous atteindrons plus rapidement nos objectifs climatiques et nous réduirons également l’urgence du développement des énergies de source renouvelable. En prime, la biodiversité en profitera.

Utiliser davantage la force du soleil

L’énergie solaire devient, à côté de la force hydraulique, une source d’énergie importante. Jusqu’en 2035, elle nous permettra de produire dix fois plus d’électricité de source solaire qu’aujourd’hui, à savoir 30 TWh. Le potentiel de la production photovoltaïque (PV) en Suisse n’est donc pas encore pleinement exploité. L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et la haute école zurichoise des sciences appliquées ZHAW (ZHAW) ont calculé un potentiel de développement maximal d’environ 82 TWh, qui pourrait être produit annuellement sur les bâtiments et les infrastructures existantes. C’est, de loin, le potentiel de développement le plus important et le plus écologique en matière d’énergies renouvelables. Les installations posées sur des façades et celles installées sur les infrastructures à des emplacements ensoleillés en altitude permettent également d’accroître la part de production d’électricité en hiver. Pour nous, il est important que lors de la planification d’installations destinées à être posées sur des surfaces non construites, que ce soit sur le Plateau ou dans l’espace alpin, la nature ne soit pas négligée, même si le développement de la production est urgent. Sacrifier les zones de biodiversité dignes de protection et les perles naturelles suisses en faveur de décisions prises à la hâte n’est pas une bonne idée. La crise du climat et celle de la biodiversité sont étroitement liées l’une à l’autre et ne peuvent être résolues qu’ensemble.

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Fussbalstadion mit Solaranlagen auf dem Dach
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Solar auf dem Dach

Est-il suffisant de miser sur des actes volontaires?

Nous constatons qu’un nombre toujours croissant de personnes réfléchissent à la situation et sont prêtes à agir dans l’intérêt du climat. Les mesures volontaires prises par chacune et chacun d’entre nous peuvent contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre de la Suisse jusqu’à 20%. Ces mesures volontaires sont importantes et méritent d’être saluées. Elles ne suffiront toutefois pas à elles seules à atteindre la réduction nécessaire des émissions de CO2 de l’ordre de 100%. Pour que cela soit possible, il faut également une volonté politique.

«Nous devons donc donner un mandat clair à la politique. Selon nous, il est important que nous déclarions clairement, d’une seule voix, que la Suisse s’engage pour défendre le climat et la biodiversité. Nous voulons que la législation relative à l’approvisionnement en énergie et à l’électricité soit révisée pour permettre un virage énergétique rapide sans pour autant perdre la biodiversité des yeux. Et nous signifions clairement qu’en cas de référendum sur l’initiative pour les glaciers, il ne peut y avoir qu’une bonne réponse. Notre position est claire. Et la vôtre?»

L’approvisionnement sera-t-il toujours garanti?

L’idée d’un bouquet électrique suisse comprenant une part substantielle d’électricité photovoltaïque inquiète de nombreux observateurs, qui craignent que la production solaire dépendante des conditions météorologiques menace le niveau, jusqu’ici élevé, de la sécurité de l’approvisionnement. Cette inquiétude n’est pas non plus justifiée. Particulièrement en hiver, la Suisse dispose, avec les centrales hydrauliques à accumulation, de nombreuses capacités d’égaliser, de manière flexible, la production éolienne et solaire.

Comment les associations de défense de l’environnement considèrent-elles la procédure accélérée?

Le concept pour garantir l’approvisionnement énergétique en 2035 a été développé par les organisations de l’Alliance-Environnement. Les associations Pro Natura, Greenpeace, WWF, BirdLife, SES et ATE s’engagent de manière constructive au sein de ce groupement en faveur de l’environnement, du climat et de la protection des espèces. Elles sont favorables à un gain d’efficacité en matière de procédures d’autorisation des installations de production d’énergie renouvelable. Cette amélioration permettra d’accélérer le développement nécessaire au tournant énergétique. Pour y parvenir, il est indispensable de clarifier suffisamment tôt si les emplacements potentiels pour les installations éoliennes, hydrauliques et photovoltaïques sont conciliables avec la protection de la biodiversité et du paysage. Le développement des énergies renouvelables doit en premier lieu être soutenu là où il peut être réalisé rapidement, efficacement et avec des potentiels de production élevés avec, en parallèle, des conséquences écologiques aussi faibles que possible. Les organisations de défense de l’environnement se considèrent comme des partenaires sur cette voie.

Ce que vous pouvez faire en plus

Soutenez notre travail pour la protection du climat en tant que membre. Nous vous montrons comment vous pouvez faire quelque chose pour le climat au niveau individuel avec nos 10 conseils climatiques particulièrement efficaces.

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Panda perché sur un arbre

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Frau steht lächelnd am Bahnhof

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